Hanami

Ah, le, heu, roman de Shiguré était un cadeau ! Perplexe, Hatori le ramassa, fit une grimace en regardant la couverture (« un cœur amoureux », cela promettait d’être…hum, passionnant !), puis fronça les sourcils devant le ton narquois de l’écrivain. C’était quoi, ce sous entendu ? Il lança à son cousin un regard interrogateur et soupçonneux, puis se détourna pour aller ranger les livres tombés à terre. Sa maison était déjà assez en bordel comme ça avec tous ses papiers, pas besoin d’en rajouter ! Malheureusement, il n’avait pas vu qu’il restait à terre un de ses livres de médecine…
Un sourire vint mourir sur les lèvres du médecin à la réponse de Kajila au couturier. Hatori avait parfois du mal à croire qu’elle était encore lycéenne ! Sa façon de parler et son sens aigu de la répartie lui donnaient l’air bien plus âgé… Ayamé sembla également s’en rendre compte, et lui fit un compliment à sa manière en disant en gros qu’elle était digne de lui. Le Dragon fit la grimace. Il était sûr que le Serpent n’était pas sérieux, mais ses paroles le troublaient quand même. De peur de dire une bêtise, il préféra baisser la tête et rester muet.
Le maudit n’accorda plus aucune attention aux babillages de ses deux cousins à partir du moment où ils commencèrent à se chamailler à propos de la photographie.
Il ne releva la tête, surpris, que pour écouter Ryu qui leur racontait un bout de son enfance. Il y avait longtemps, peut être qu’il aurait ri en entendant cela. Il y avait très longtemps. A ce moment , il n’eut qu’un sourire, mais un sourire infiniment doux, un peu triste aussi. Ephémère, mais qui suffit à lui rappeler d’autres jours, d’autres sourires, une autre histoire…
Le maudit cligna des yeux, passa la main sur son front, puis releva la tête, pris au dépourvu, quand Kajila s’inclina devant lui. Les traits d’Hatori s’adoucirent devant l’expression malicieuse de la jeune fille ; un coin de ses lèvres s’étira paresseusement, il hocha légèrement la tête en réponse.
Le médecin était comme engourdi, anesthésié. Il n’arrivait plus très bien à réfléchir, ses pensaient s’embourbaient, tournaient en rond, des images oubliées revenaient devant ses yeux voilés…. Il n'arrivait plus à se concentrer sur ce qui l'entourait; quand...
POUF !
Un explosion sonore et ô combien reconnaissable le fit immédiatement reprendre ses esprits.

Mais qu’est-ce que… !

Le Dragon, complètement déconnecté de la réalité pendant deux bonnes minutes, ne comprit pas immédiatement ce qui s’était passé en voyant un serpent immaculé dépassant d’un tas de vêtements. Son regard alla de l’animal à Kajila qui semblait comme tétanisée, glissa sur ce satané livre qui avait fait trébucher son cousin, puis remonta à Shiguré. Ce ne fut qu’en croisant le regard de son cousin qu’Hatori réalisa l’ampleur de la situation.
Le maudit ouvrit la bouche pour parler, mais ne put articuler un seul son. A ce moment, Shiguré s’avança, récupéra le Serpent et ses vêtements, et s’esquiva par un prétexte bidon, tout en évitant soigneusement de rencontrer le regard du Dragon, complètement désemparé. Lorsque la porte claqua derrière le dos du Chien, Hatori leva presque craintivement les yeux vers Kajila.

Heu… Je…

Ayamé s’était transformé, et devant Ryu ! Mais quel imbécile, il ne pouvait pas faire attention, une fois dans sa vie ? Il devrait pourtant avoir pris l’habitude, depuis le temps, non ? Que devait-il faire, lui, à présent ? Que devait-il faire…
Naturellement, il aurait dû effacer la mémoire de la jeune fille. Théoriquement. Mais voilà, il avait déjà essayé, il en avait déjà débattu, réfléchi, ce n’était pas possible ! Comment allait-il sauver la face, maintenant ? Shiguré et Ayamé ne devaient surtout pas savoir qu’il était incapable de pénétrer dans l’esprit de Kajila. Surtout pas ! Si cela remontait à Akito…
Le médecin respira un grand coup, et tenta de reprendre son sang froid. De toutes les façons, il devait des explications à Ryu.

J’imagine que tu es… surprise ?

Evidemment qu’elle devait l’être, c’était une question complètement stupide, mais il ne voyait pas du tout comment aborder le vif du sujet. Il se demandait aussi jusqu’où il pouvait aller dans ses révélations, sachant que d’une part, il ne pouvait pas la laisser en plan sans rien lui expliquer, et d’autre part qu’il ne devait pas la mettre en danger.
Ses yeux habituellement fixes avaient du mal à supporter le regard de Kajila, ils glissaient à droite, à gauche, revenaient sur la jeune fille… Ils quémandaient une aide, mais Hatori se demandait bien qui pourrait la lui apporter.

Tout allait bien pour une fois. Hatori semblait sourire de plus en plus facilement, comme s'il se detendait, se sentait bien. Ayamé disait des trucs etranges, (comme-ci elle allait accepter d'épouser un type comme lui. Une chose etait sure, le couturier ne se prenait pas pour de la merde !), Shigure rencherissait (ce qui etait normal connaissant l'ecrivain, il n'allait pas laisser passer des telles idioties sans en rajouter un max !).

Ryu-kun, ne dira rien, Shigure-san, même sous la torture.

Mais en lancant cette phrase fiere et amusée, Kajila ne pouvait pas se douter que ladite torture n'etait pas loin. Pour autant qu'elle ai pu voir, Ayamé lui sauta litteralement dessus. Avant qu'elle aie pu faire un geste, elle sentit le poid du maudit sur elle. Elle allait le repousser, reculer, se battre quoi, lorsqu'une explosion retentit faisant litteralement bondir le coeur de la lycéenne dans sa poitrine. Pétrifiée de peur face à cette "attaque" injustifiée, les bras levés comme pour se proteger, elle vit la suite comme dans un rêve. A la place du frere du prince, on voyait un serpent blanc dans une mer d'habits. Elle n'eut d'ailleurs pas le temps de reflechir que les preuves du désordre disparurent avec Shigure dans la cuisine.

La lycéenne se retrouvait une fois encore seule avec Hatori. Au fur et a mesure, elle revenait de sa peur et recuperait ses moyens. Visiblement le medecin etait aussi choqué qu'elle. Doucement, parce que ses jambes etaient en coton et qu'elle n'osait faire de gestes brusque, elle s'assit sur le sol et prit la théiere pour se servir une nouvelle tasse de thé. C'est là qu'elle s'appercu qu'elle tremblait. Hors de question d'essayer de servir le liquide brulant dans cet etat, même reposer l'ustensile lui demandait des efforts.

C'est alors seulement qu'elle leva les yeux vers Hatori. Le pauvre homme avait l'air complètement depassé, perdu, triste aussi. Kajila; elle, ne savait pas trop ce qui passait dans ses yeux. Eux qui etaient habituellement si emplis de vie et de questions devaient être bien ternes ce soir. Elle baissa la tête.

"Gomen, Hatori-sama"

fit elle d'une toute petite voix.

"Je ne fais que vous apporter des ennuis. Je suis désolée."

Elle se reprit en secouant la tête. Son esprit redemarrait peu à peu, et elle commenca a se rendre compte du probleme qui se posait à eux.
Elle soupira, les explications pouvaient attendre, Akito etait bien plus dangereux. cause d'elle Hatori était en danger et cela, elle ne pouvait le supporter.
Lorsqu'elle releva la tête, son visage etait beaucoup plus serein, presque comme d'habitude même si elle savait qu'elle allait devoir reflechir longtemps a ce qui c'etait passé avant d epouvoir l'accepter reellement.

Le silence reignait dans la piece depuis de nombreuses minutes et Kajila décida qu'il etait temps d'agir.

"Pourquoi Ayamé m'a sauté dessus comme cela ? Je plaisantais seulement, je ne voulais pas le vexer."

Elle s'interrompit. Ce n'etait pas le moment d'être en colere contre Ayamé. Il fallait trouver une solution pour qu'on ne sache pas qu'elle savait...quoique soit ctte connaissance.

"Je ne vous demande pas d'explications Hatori-sama. J'ai confiance en vous, si Ayame est votre ami, alors le fait qu'il soit encore plus etrange qu'il en ai l'air m'importe peu. Mais si vous décidez de m'expliquer, alors faites le pour de vrai, sans mensonges ni demi-vérités. Sinon dites moi simplement d'oublier ça et je n'en parlerais plus."

Elle remonta ses genous contre sa poitrine et les entoura de ses bras.

Le plus embêtant c'est Akito, il faut pas qu'il se mette en colere contre vous, parce que ce n'est pas de votre faute, c'est moi qui me suis invitée chez vous.

Sa voix mourut, jamais elle n'avait tant regretté d'être avec le médecin.

"Gomen..."

Hatori secoua la tête. Ce n’était pas de sa faute !... Ce n’était pas de sa faute… Mais c’était arrivé. Toujours incapable de prendre la moindre initiative, le Dragon peinait à calmer le flot d’inquiétudes et de questions sans réponses qui déferlait dans son esprit. Que fallait-il faire, mon dieu, comment allait-il s’en sortir…
Hatori releva la tête d’un coup au son de la voix de Kajila, presque surpris. Ses paroles l’aidèrent à retrouver son sang froid. Il fallait qu’il prenne des décisions, maintenant. Il parvint enfin à remuer ses membres tétanisés, et alla ramasser le livre de médecine.

Ayamé n’a pas fait exprès de te tomber dessus. Il a simplement trébuché sur ce livre…

( En fait, tout ça, c’est de la faute de Shiguré ! )

Le maudit alla ranger le livre. Il ne réfléchissait pas pour le moment, et accomplissait ces gestes par automatisme, la tête vide. Il avait peur des conclusions que prendraient ses réflexions. Il n’y avait aucune solution satisfaisante à cette situation !
A ce moment, Kajila parla à nouveau. Hatori était toujours face à sa bibliothèque, le dos tourné à la jeune fille. Il baissa la tête, laissa passer un silence qui lui parut assourdissant. Ensuite seulement, il parla.

Ce n’est pas de ta faute, Kajila. C’est arrivé, c’est tout. Tu n’y es absolument pour rien.

Le maudit se retourna, le visage laissant transparaître sa tristesse. Il croisa les bras et regarda les cerisiers par la fenêtre, toujours incapable croiser le regard de Ryu. Puis il prit une décision. Il se redressa, se dirigea vers le canapé, et s’accroupit devant la lycéenne.

J’imagine que tu te souviens du jour où tu as vu Yuki se transformer.

Hatori parlait dans un murmure, de peur que Shiguré n’entende (le Chien devait sûrement écouter à la porte !).

Ayamé a le même… problème. Quand il est malade ou qu’une personne du sexe opposé le prend dans ses bras, il se transforme.

Inutile de mentionner qu’il était lui-même victime du « problème », ainsi que Shiguré et 9 autres Soma. Non, il ne parlerait pas de la malédiction. Il en avait déjà trop dit ! Et tant pis si Kajila avait refusé d’entendre une demi vérité. Elle n’en saurait jamais plus. Elle ne devait jamais en savoir plus…
Hatori décida alors de vérifier quelque chose. La mort dans l’âme, la main légèrement tremblante, il releva doucement la tête de la jeune fille, puis posa la paume sur son front. Il essaya, pendant deux bonnes minutes, de pénétrer dans son esprit, mais il dut se résigner. C’était impossible. Il ne pourrait jamais effacer sa mémoire.
Le Dragon soupira, la regarda. Sa voix devint un souffle à peine audible, à demi étranglé.

Ce jour-là, quand tu as vu Yuki, j’aurais dû effacer ta mémoire. Aujourd’hui encore, c’est ce que Shiguré et Ayamé attendent de moi. Sans parler d’Akito… Je ne sais pas pourquoi je ne peux pas le faire, et j’imagine que toi non plus tu n’en a aucune idée. Mais maintenant, tu comprends les complications que ça va entraîner ?

L'explication d'Hatori sur Ayamé etait bien plus crédible que la "crise de folie" que la jeune fille avait trouvé. Elle rougit et s'en voulut d'avoir pensé que le serpent avait fait expres de lui sauter dessus.

"Oh...oui c'es t plus logique..."

Un silence passa tandis qu'ils essayaient tous deux de reprendre leur esprits. Hatori rangea le livre tout en lui disant que ce n'etait pas de sa faute. Si elle ne le croyait pas, la jeune fille etait rassurée de savoir qu'il ne lui en voulait pas. La désaprobation du dragon etait quelque chose qu'elle évitait à tout prix. Et depuis la derniere fois au lycée...enfin ce n'etait ps le moment d'y penser ! En tout cas, il la tutoyait toujours avec beaucoup de naturel. Cette observation fit rougir la jeune fille de plaisir. Il ne lui en fallait pas plus. Si un jour elle arrivait a avoir Hatori pour ami, alors elle serait comblée. Il se retourna et son coeur se serra. Il avait l'air tellement triste...

Soyez pas triste Hatori-sama. On va trouver une solution et ...

Elle ne put continuer. Il s'etait dirigé vers elle et accroupit pour se mettre à sa hauteur. Ils avaient rarementété si proches et cela troublait quelque peu l'adolescente qui n'osait faire un geste. Il parlait si bas qu'elle etait obligée de tendre l'oreille. Sans un mot, elle hocha la tête. Oui, elle se souvenait tres bien de la transformation de Yuki, le jour si étrange ou elle avait rencontré le medecin...comment pourrait elle jamais l'oublier ! Elle l'écouta patiemment lui expliquer qu'Ayamé avait le même problème (ce qu'elle avait remarqué tout de même elle n'etait pas aveugle... ) et hocha la tête à nouveau.

Alors c'est un trait de famille ? Je veux dire les parents du prince et de son frère se transforment aussi ? Ou c'est juste cette génération ?

Elle sentait confusément qu'il ne lui disait pas tout et se dit soudain qu'il devait avoir une raison ! Quelle idiote aussi, elle, de lui demander des précisions !

Doucement, Hatori posa sa main fraiche sur son front. Kajila frissonna sous ce contact et regarda le médecin tranquillement. Elle savait ce qu'il essayait de faire, elle se souvenait de ce qu'il lui avait dit la derniere fois mais elle ne sentait rien du tout, juste la main de celui qu'elle aimait, sur son front. Au bout de deux minutes elle prit son poignet dans sa main et decolla doucement la main de son visage. Elle regarda la paume d'Hatori pensivement pendant quelques secondes, puis rougit, le lacha et releva la tête pour tomber droit dans ses yeux..

Qu'est ce que je suis sensée oublier ? Je dois disparaitre à nouveau ? Ou simplement oublier ce que j'ai vu avec Ayamé ? Qu'est ce qui se passe lorsque vous effacez la mémoire de quelqu'un ? On peut peut-être faire semblant que vous pouvez l'effacer, et cela restera entre nous...comme pour le prince.

Elle avait parlé aussi bas que lui. Elle ne savait pas pourquoi il baissait la voix mais ily avait surement une raison.

Je ne dirais rien à personne vous savez. Apres tout, ce qui leur arrive les regarde, et puis je n'ai pas a les juger. Mais surtout je sais qu'Akito serait en colere contre vous trois et je ne veux pas. Ce n'est pas parce qu'il me deteste que cela doit vous retomber dessus.

Elle reflechit un moment et dit simplement.

J'ai quelques hypothese sur le fait que cela ne marche pas mais je n'ai pas les solutions et même si je les avais je suis bien contente de me souvenir de tout. Apres tout c'est grace a notre memoire que nous evitons de refaire les mêmes erreurs ! Néanmoins je pense que la seule chance que nous avons de nous en sortir serait de faire comme si je ne me souvenais pas d'Ayamé.

Elle laissa passer un nouveau silence, mettant sa superbe de coté. Il allait falloir mentir, et elle avait horreur de cela !

Peut-être juste dire que la seule chose dont je me souvienne c'est d'Ayamé me tombant dessus et que je me suis reveillée seule avec vous...comme si je m'etais evanouie ?

Elle détourna alors les yeux. Elle n'aimait pas l'idée de montrer à tout le monde qu'elle pouvait être faible, surtout qu'elle n'etait pas du genre a s'évanouir mais c'etait la seule chose à laquelle elle pouvait penser pour le moment. Et puis elle ne voulait pas faire semblant d'oublier le reste de la journée ! Le hanami avec Hatori, le cadeau qu'il lui avait offert, toutes les minutes, elle ne voulait ni les oublier, ni faire semblant de les oublier !
Doucement elle leva ses yeux bruns dans ceux du medecin qui la regardait.

Seulement il va falloir mentir a Shigure et Ayamé-san....et....ce sont vos amis...

Hatori se mordit la lèvre. Ce qu’il craignait venait d’arriver, Kajila lui posait des questions auxquelles il ne pouvait pas –il ne voulait pas- répondre. Il ne voulait pas non plus lui mentir, mais il ne pouvait pas en dire plus ! Finalement, il se résigna une fois de plus pour une semi vérité.

C’est une sorte de… maladie, qui se transmet de génération en génération de manière assez aléatoire. Leurs parents n’ont jamais souffert de la… de ce problème.

Le Dragon se morigéna intérieurement, il devait faire attention à chaque mot qu’il prononçait. Il avait failli dire « malédiction » ! Cela lui coûtait de cacher autant de choses à la lycéenne, mais il était tout simplement hors de question d’aller plus loin dans ses explications. Il en avait déjà bien trop dit !
Devant l’échec de sa tentative, étrangement, Hatori s’apaisa. Il était certain maintenant qu’il n’avait pas d’autre choix que de faire ce qu’il avait décidé. Pas d’autres choix… La tension qui raidissait ses membres depuis la transformation d’Ayamé s’allégea très légèrement, suffisamment pour qu’il en prenne conscience en tout cas.
Le contact avec la main de la lycéenne lui fit monter à la tête d’autres sensations qui n’avaient rien à voir avec leur problème présent. Le sang lui monta aux joues, reflets de celle de Kajila, et il ne put supporter son regard que quelques secondes avant de détourner les yeux.
Raaaah, ce n’était pas le moment de faire ses manières ! Le médecin se ressaisit, et se força à regarder Ryu quand elle lui parla.

Oui, c’est ce que je voulais vous demander. Comme pour Yuki. Personne ne doit savoir que vous vous souvenez d’avoir vu Ayamé ou son frère se transformer. Personne !

Le maudit se refusait à imaginer ce qui adviendrait si quelqu’un savait qu’il ne pouvait pas effacer la mémoire de Kajila… Et la jeune fille concrétisa ses craintes en invoquant le nom qui lui faisait peur : Akito. Si elle le savait, elle voudrait sûrement se débarrasser de Ryu… Le visage du médecin se contracta d’inquiétude l’espace d’un instant, avant de redevenir lisse et neutre comme d’accoutumée, ses yeux de glace plongés dans ceux de la jeune fille.

Ne vous occupez pas d’Akito. Evitez-le autant que vous le pouvez, c’est tout.

Hatori ne s’en rendait même plus compte : un moment il la tutoyait, un moment il la vouvoyait… Il lui faudrait sans doute un moment avant de savoir comment s’adresser à elle.
Il hésita devant la proposition de la jeune fille : il aurait été plus logique qu’il efface tout souvenir de cet après-midi de son esprit… d’un autre côté, il ne souhaitait pas non plus qu’elle fasse semblant d’oublier cela…
Il hocha finalement lentement la tête, marquant son approbation.
Quant au dernier constat de Kajila… Le maudit y pensait depuis tout à l’heure. C’était sans doute ce qui lui coûtait le plus dans cette histoire… Sans compter que le Chien était assez habile à déchiffrer ses sentiments et sentait tout de suite quand on lui cachait quelque chose…

Je sais.

Ce fut à son tour de baisser les yeux et de détourner la tête.

C’est la seule solution.

Sa voix montrait une détermination qu’il était bien loin de ressentir. Bien sûr que cela l’embarrassait de leur mentir ! Tout ça à cause d’une vulgaire chute sur un livre… la vie avait de ces rebondissements ! C’en devenait ironique et pathétique…

Bien, nous allons faire exactement ce que tu as dit. Shiguré va revenir, tu feras semblant d’être évanouie, et en te réveillant tu feras comme si tu ne savais pas ce qui s’était passé après qu’Ayamé te soit tombé dessus.

Réalisant l’effort qu’il lui demandait, il ajouta d’un ton hésitant :

Tu… vous… enfin, ça va aller ? Tu t’en sens capable ? Je sais que ce que je demande est… difficile, mais il n’y a pas moyen de faire autrement…

S’il y en avait eu un autre, quel qu’il soit, Hatori l’aurait pris immédiatement plutôt que d’impliquer encore un peu plus Kajila dans les histoires des Soma…

Kajila n'etait toujours pas convaincue par l'explication d'Hatori. Une maladie aléatoire cela ne sonnait pas bien, puis elle n'avait vu cela dans aucun de ses livres de medecines. Une maladie recessive oui, mais aléatoire et chaque génération ? Elle faillit demander qui l'avait eu la génération précédente mais, pour une fois, tint sa langue. Visiblement le médecin ne voulait pas en dire plus. Perdue sur ce détail, elle ne remarqua pas l'hésitation du maudit à propos de la malédiction. De toute facon elle n'allait pas laisser tomber comme cela, elle allait continuer ses recherches même si elle tournait pas mal en rond depuisquelques temps !
Elle ne remarqua pas plus la soudaine rougeur d'Hatori, perdue qu'elle etait dans son regard. Elle hocha la tête et déglutit avec difficultés.

Personne ne saura rien, ni pour Yuki, ni pour Ayamé, ni sur ce qui c'est passé à l'époque ni pour aujourd'hui. Vous avez ma parole Hatori-sama.

D'ailleurs il n'avait pas besoin de le lui demander. Personne n'avait jamais rien su pour le prince, pas même le principal interressé. Elle s'etait simplement fait oublier...alors qu'elle aurait tres bien pu faire chanter le médecin et obtenir une vie bien plus confortable que ce qu'elle avait ! Seulement elle n'y avait jamais seulement pensé. Hatori etait tout pour elle depuis ce jour et elle ne voulait pas le mettre plus dans l'embarras.
La jeune fille cilla sous le regard de glace du médecin mais ne détourna pas les yeux. Elle etait bien trop fiere pour cela. Elle remarqua son inquietude mais l'attribua a la situation présente.

Ne vous inquietez pas, je n'ai rien dit jusqu'à présent, je ne dirais rien, vos amis ne seront pas inquietés.

Mais visiblement le maudit pensait à autre chose puisqu'il lui parla d'Akito. Kajila haussa les epaules. Akito ne lui faisait pas peur, parce qu'il ne pouvait lui prendre que sa vie et que c'etait quelque chose qu'elle se fichait de perdre. N'empeche, il devait lui faire drôlement confiance pour la laisser ainsi aller librement avec un tel secret. A moins qu'il ne pense (a juste titre d'ailleurs) que personne ne la croirait si elle disait la vérité. L'adolescente n'arrivait pas à savoir ce que pensait réellement Hatori d'elle. Elle etait pourtant plutot douée pour cerner les gens mais la....un vrai mur de glace.
La seule chose qu'elle pouvait voir etaient les émotions de surface., comme sa peur du chef de famille, son hésitation face à sa proposition, son approbation...et ce, seulement grace à quelques détails comme les reflets de ses yeux, la tension de ses membres, le tutoiement ou le vouvoiement...enfin bref.
Devant le ton neutre du maudit, la jeune fille soupira.

Voila pourquoi je ne veux pas d'amis. On ne peut s'empecher de vouloir tout partager avec eux et leur mentir nous coute.

Elle hésita et termina dans un souffle

Et j'ai beaucoup de choses à cacher.

Elle hocha la tête. Ce n'etait pas comme si elle pouvait désobéir à Hatori en même temps..

Pour l'oublis pas de soucis. Pour le sommeil et le reveil je vais faire de mon mieux.

Elle lui sourit gentiment. Elle n'aimait pas mentir mais dans sa situation, elle n'avait pas vraiment le choix. Et pour le médecin elle etait capable de faire bien pire !

De toute facon, ma vie n'est qu'un gigantesque mensonge alors ce n'est pas un de plus qui changera grand chose.

Elle se leva doucement et regarda autour d'elle.

Bien, si l'on veut que ce soit crédible il faut se mettre en situation. A votre avis, où me suis-je évanouie ?

Lorsque soudain une autre évidence la frappa.

Comment cela se fait-il que Shigure-san n'ai pas été surprit ? Il y a beaucoup de monde au courant pour le prince et son frère ?

Heureusement, bien qu'elle soit surprise elle n'avait pas oublié de parler à voix basse.

Hatori était plus ou moins satisfait ; il avait une totale confiance en la parole de Kajila, confiance qu’il ne s’expliquait pas vraiment d’ailleurs, étant donné qu’il ne la connaissait pas si bien que cela. Il était certain qu’elle tiendrait ses promesses.

Je vous fais confiance.

Ils avaient donc finalement trouvé une solution, qui lui laissait quand même une impression de malaise.
En effet, Ryu était prête à garder le silence sur ce qu’elle avait vu, et même à faire semblant. Le maudit ne croyait pas qu’elle le faisait par peur de l’inconnu ou des représailles, elle était bien trop fière pour cela ; il en déduisait donc qu’elle faisait tout cela uniquement pour lui, pour ne pas le mettre dans l’embarras.
Et lui, que faisait-il pour elle ? Il l’impliquait de plus en plus profondément dans les secrets de sa famille maudite. Involontairement, peut être, mais ça ne changeait rien !
Le Dragon observa furtivement la jeune fille. Les yeux brillants, le teint un peu pâle peut être, les lèvres étirées en une moue déterminée, elle ne semblait pas si affectée que cela d’avoir été témoin de la transformation d’un maudit. D’autres, bien plus âgés, en étaient devenus fous !...
Le médecin était assez impressionné par son sang-froid et son pragmatisme. Elle avait tout de suite ou presque retrouvé ses esprits pour tenter de comprendre. Malheureusement, ou heureusement, il ne savait plus trop, il ne l’y aiderait pas. Sûrement pas !
Hatori releva la tête, surpris, en entendant Ryu dire pourquoi elle n’avait pas d’amis. Il fronça légèrement les sourcils. Bien sûr, c’était horrible d’avoir à leur mentir, mais… il n’imaginait pas sa vie sans Shiguré et Ayamé !
Comment pouvait on toujours être… seul ? N’avoir personne sur qui compter lorsqu’on va mal ?
Pour ce qu’il savait de son histoire, ce n’étaient certes pas les parents de la lycéenne qui allaient s’inquiéter pour elle. C’était sans doute pour cela qu’elle paraissait si mature, tellement indépendante. Le Dragon aurait aimé l’interroger à ce sujet, mais ce n’était certainement pas le moment. Il mit ses questions de côté dans son esprit, comme lorsqu’il devait se rappeler des choses pour son travail, et s’en étonna lui-même. Cela ne le regardait absolument pas !
Une autre pensée vint s’imposer à lui : toutes les choses que la jeune fille allait devoir taire, tous les mensonges qu’elle allait devoir inventer, toutes les questions sans réponses qu’elle se poserait, tout ça juste pour lui, pour son petit confort personnel au sein de sa famille !

Je suis vraiment navré de vous laisser encore un secret sur la conscience. Je ne voulais pas… enfin, tu comprends, je ne peux pas faire autrement…

L’hippocampe avait parlé dans un souffle inaudible ou presque. Il se sentait affreusement coupable… Affreusement ! Mais d’un autre côté, si Kajila parlait, si Akito était au courant, elle serait en danger…
Le médecin eut un pâle sourire devant l’assurance de la jeune fille qui disait qu’elle allait faire de son mieux. Il répéta :

Je te fais confiance.

A la question suivante de la lycéenne, il ouvrit la bouche pour suggérer la canapé, lorsque Kajila pensa à un détail de la scène qu’Hatori avait espéré qu’elle ne remarque pas. Le médecin fit une grimace que lui seul pouvait comprendre, et regarda distraitement par la fenêtre pour répondre, incapable de fixer la jeune fille dans les yeux.

Non, ceux qui sont dans la confidence sont très peu nombreux. Shiguré et Akito, notre chef de famille, en font partie.

Ayant pleinement conscience du fait qu’il en avait bien trop dit, il changea rapidement de sujet et dit en mâchonnant ses mots :

Ayamé est tombé sur vous alors que vous étiez assise sur le canapé, il serait donc logique que vous vous soyez évanouie à cet endroit.

Puis Hatori resta au milieu de la pièce, hésitant, les bras ballants, ses yeux clairs pour une fois plongés entièrement dans ceux de la jeune fille. Tout ce qu’il voyait dans ces deux billes noires, c’était de la détermination, et une curiosité dévorante, très gênante pour lui. Deux sentiments très forts qui faisaient pétiller ses prunelles ; mais il y avait autre chose… de beaucoup plus doux.
Soudain embarrassé, il ne détourna pourtant pas les yeux cette fois-là. Il lâcha d’une voix complètement vide, absente :

Si tu es prête, je vais aller… chercher Shiguré…

Sa voix était creuse, ses yeux fixes, il ne pensait plus du tout à l’endroit où il était et à ce qu’il y faisait.

Il lui faisait confiance. Peu de choses aurait fait plus plaisir à la jeune fille qui répondit à cette affirmation par un grand sourire. Puis elle revint dans ses pensées...plutôt confuses. Elle ne vit donc pas ses froncements de sourcils, son inquietude, son examen discret. Car si elle acceptait bien la transformation, du moins en apparence, il fallait savoir que dans son esprit c'etait plus ou moins le chaos. Beaucoup de questions se bousculaient qu'elle rejettait dans un coin de ses pensées pour y reflechir lorsqu'elle aurait le temps. Pour le moment le plus important restait d'agir !

Hatori rompit le silence pour s'excuser une nouvelle fois. Si le visage de Ryu s'etait fermé tandis qu'elle faisait le tri, il s'eclaira à nouveau pour un sourire et une brillement amusé de l'oeil.

"Pas de soucis j'vous dit. Vous prennez pas la tête, ce n'est pas la mer à boire."

Dans sa confusion, elle reprenais le style des mauvais quartier et leur langage plutot argotique alors que, lorsqu'elle parlait au médecin, elle usait d'ahabitude d'un lexique plus soutenu. Mais il etait trop tard lorsqu'elle s'en rendit compte. Kajila écarta cette nouvelle observation d'un haussement d'epaule mental. Hatori la prendrait comme elle était, ou alors il ne la prendrait pas. Elle souhaitait son amour, oui, mais elle voulait être aimée pour ce qu'elle etait, sans cachotteries, sans mensonges, sans prises de tête...et qu'elle le veuille ou non, cinq ans dans les quartiers dits "défavorisés" cela marquait.
Petit à petit, elle se remettait du choc de la transformation. Certes elle restait pâle mais ses pensées reprenaient leur vagabondage habituel, passant d'Hatori à Ayamé, Hatori, le hanami, Hatori, les cours, Hatori, elle, Hatori...

Une fois encore ce fut le médecin qui la tira de ses pensées. Il lui repeta la confiance qu'il avait en elle...en la tutoyant cette fois. Le bonheur qu'en ressentit à nouveau l'adolescente contredisait sans qu'elle le sache sa tirade sur les amis. Elle avait beau dire et penser le contraire, elle n'etait pas seule ! Il ne s'en etait probablement pas rendu compte mais lorsque tout allait mal, c'etait Hatori qu'elle allait retrouver. Certes elle ne lui parlait pas de ses problèmes mais rien que le voir lui remontait le moral !

L'humeur de la pièce avait encore une fois changé et Hatori regardait par la fenêtre en lui assenant une demi-vérité. Kajila ^fronca les sourcils. Cette fois encore elle avait sentit tout ce qui n'etait pas dit mais ne pouvait en deviner le contenu. Ce qui l'enervait passablement. Mais elle ne dit rien, Hatori lui expliquerait, a son rythme, et, un jour, elle saurait tout. Lui demander n'aurait fait que le rendre plus inquiet et mefiant.

Sérieuse et concentrée, elle allait rejoindre le canapé lorsque le regard d'Hatori attrapa le sien. Elle resta un long moment perdu dans cette immensité verte. Elle ne lisait en lui qu'inquietude, culpabilité, gêne... mais malgré cela elle ne pouvait detourner les yeux, comme hypnotisée. Elle ne se rendait pas compte qu'elle le dévisageait avec curiosité et toute cette forte douceur qu'elle ressentait pour lui. La détermination flamba soudain dans ses prunelles, effacant tout le reste. Elle allait rester dans le monde d'Hatori et peu importait les dangers que cela entraînait pour elle.

Revenue sur terre avant lui, elle sourit pour la troisieme fois et tira la langue au jeune homme. Puis elle s'assit sur le canapé aussi proche que possible de sa position lorsqu'Ayamé était tombé et murmura :

Je suis prête.

Et, fermant les yeux, elle détendit tous les muscles de son corps et se laissa tomber en arrière sur le sofa. Sa tête cogna contre l'accoudoir mais elle ne reagit pas. Ses mains n'etaient pas sagement le long de son corps. Elle en avait une sur le ventre et l'autre au dessus de la tête. Ses jambes, détendues etaient restée telles que, pendouillant dans le vide. Elle avait les yeux fermés et avait bien du mal à ne pas les ouvrir. Quelques contractions de sa machoire et des paupieres trahissaient tout de même son état d'eveil mais elle ne pouvait faire mieux. C'etait plutot effrayant pour la jeune fille qui n'avait pas l'habitude de se retrouver sans défenses..

Tout se déroulait plutôt bien mis à part un petit détail que Kajila n'avait pas prévu. Le moment d'agir etant passé et l'etat de choc se dissipant doucement, toute la peur, l'etonnement, le choc en lui-même de ce qui s'etait passé revenait en force dans son esprit. Elle sentit ses yeux se remplir de larmes derriere ses paupieres closes et se maudit interieurement contre sa faiblesse. Mais, bien qu'elle ai repâlit, rien, pour l"instant ne percait à l'exterieur.

Hatori était tellement troublé qu’il ne remarqua même pas le changement de vocabulaire dans les paroles de la jeune fille. Pour le moment, l’essentiel de son esprit était accaparé par une seule question : est-ce que les autres allaient croire à leur petite mise en scène ? Le Dragon s’inquiétait surtout de Shiguré qui avait un don pour mettre le doigt sur les choses que l’on voulait cacher…sans compter Ayamé qui s’empressait alors aussitôt de poser un milliard de questions sur le sujet gênant. Hatori ne savait pas s’il parviendrait à leur mentir… mais ce n’était pas vraiment comme s’il avait le choix.
Heureusement que Kajila lui facilitait plus ou moins les choses en acceptant sans discuter ses explications hasardeuses, ses excuses bafouillantes et ses mises en scènes bancales. Heureusement…
Le Dragon ne parvint à détacher ses yeux de ceux de la lycéenne que lorsqu’elle détourna les siens pour lui tirer la langue. Hatori sourit intérieurement, tourna la tête et se frotta la nuque, embarrassé. Il ne savait pas ce qu’il lui avait pris de la fixer comme ça…ou plutôt si, il le savait très bien, et c’était bien ça le problème. Le problème ! Comme s’il n’en avait déjà pas assez comme cela ! Ce n’était pas du tout le moment pour ce genre de….choses, mais alors vraiment pas. Le maudit chassa donc les pensées de douceur qui lui traversaient l’esprit -et qui s’y attardaient-, mais il savait parfaitement qu’elles reviendraient, plus tard, quand il serait seul.
La voix de la jeune fille acheva de le reconcentrer sur ce qui l’attendait, autrement dit trahir ses deux meilleurs amis en mentant comme jamais auparavant.

(Fameux programme…) pensa-t-il, cynique.

Très bien.

Sa voix était toujours aussi basse, mais elle ne tremblait plus et ne trahissait plus aucune émotion ; c’était la voix qu’il prenait pour annoncer qu’un patient était gravement malade autant que pour demander un thé à une servante ; une voix blasée, neutre et vide, celle qu’il conservait pratiquement tout le temps. Et c’était celle qu’il allait utiliser pour faire le plus gros mensonge de sa vie.
Hatori se sentait tellement fatigué, d’un coup… Pourquoi est-ce qu’il avait fallu en arriver là ?… Ne pas réfléchir. La décision était prise, il savait ce qu’il lui restait à faire.
Sa gorge était sèche et nouée, et il n’avait toujours pas bougé d’un pouce, planté au milieu de la pièce depuis cinq bonnes minutes.
Allez. Avancer, ouvrir, refermer derrière lui. Regarder ailleurs et réciter calmement son mensonge. Feindre la fatigue, l’abattement (ça, ça ne serait pas trop difficile). Prendre sa tête des mauvais jours ; personne ne poserait de questions. Rien de malaisé.
Mais le médecin restait planté au milieu de la pièce, incapable d’avancer par cette porte qui lui semblait bien menaçante d’un coup.
Il tourna la tête vers Kajila, pour voir si elle le regardait hésiter. La jeune fille était adossée au sofa, sans bouger, le visage lisse bien qu’un peu pâle, les yeux fermés. L’illusion était presque parfaite, personne ne pouvait se douter qu’elle était consciente. Il lui sembla voir une sorte de scintillement au bord d’une de ses paupières, puis crut à un effet de la lumière.
Le temps lui paraissait comme embourbé, ralenti. Ses yeux parcoururent chaque partie du corps de Kajila, depuis ses mèches rebelles qui lui tombaient devant les yeux, jusqu’au bout de ses membres fins et relâchés. Comme elle avait l’air fragile !…
Il s’attarda sur ses longs cils, ses pommettes, sa gorge délicate. Il ne pensait à rien, il regardait, c’était tout. Son regard était comme une éponge assoiffée d’images. Il la dévorait littéralement des yeux.
Un grincement de parquet dans la salle d’à côté lui fit reprendre la conscience du temps qui passait. Surpris, il releva la tête, le cœur battant à tout rompre, puis retourna ses yeux vers la jeune fille, et enfin trouva la détermination qui lui manquait. Il s’avança d’un trait vers la porte, eut une hésitation d’un quart de seconde, posa sa main sur la cloison,, entra.

C’est fait.

Il ne dit rien d’autre, passa devant Shiguré et se dirigea vers l’évier pour se servir un verre d’eau, la tête baissée et le regard fuyant.

A peiue passée la porte de la cuisine, Shiguré avait posé son cousin et ami sur le sol et avait collé un verre contre le bois de la porte coulissante. Seulement les chuchotements etaient trop faibles pour qu'il puisse entendre de quoi ils parlaient. N'empeche, Hatori était bien long. Que lui arrivait il ? Il faisait une déclaration d'amour à Ryu avant de l'effacer ou quoi ?
Pas une seule seconde, le chien soupsonna qu'Hatori puisse lui cacher quelque chose d'autre que l'attirance qu'il le soupsonnait de ressentir pour la jeune fille. Le temps passait lentement. Le chien etait tellement prit dans ses reflexions et ses essais desesperés pour entendre quelque chose que le sifflement de la bouilloire sur le feu passa inapercu. Il ne sut pas plus si son ami s'etait retransformer mais ne se faisait pas de soucis pour lui.

Soudain, la porte s'ouvrit et le chien n'eut que le temps de se reculer pour ne pas que son cousin lui rentre dedans.. Hatori semblait encore plus étrange que d'habitude. Presque pale, le regard fuyant, la voix froide et neutre. Le chien en eut le coeur brisé pour son ami. Pourquoi fallait il que tout tourne si mal pour lui, alors qu'il etait le plus gentil et le plus responsable du lot ! (le plus agé aussi probablement ^__^) Enfin bref, Shiguré l'avait rarement vu dans cet état mais prit sur lui de ne faire comme si de rien était et de le provoquer un peu. Avec un peu de chance cela ferait comme pour Chanjio, il allait se mettre en colère et oublier ce qu'il venait de faire.

"T'en as mis du temps. Tu en as profité pour l'embrasser avoue. Remarque je ne t'en blame pas, c'est vrai qu'elle est attirante."

Et, sans attendre la réponse du dragon (qui, si il avait calculé juste allait être très en colère d'entendre parler aussi légèrement de sa ...hum...protégée.), il alla dans la piece voisine. Tout y était calme. Le livre avait été rangé et Kajila gisait sur le sofa. Il s'approcha d'elle, toujours léger et souriant et la regarda, avant de se tourner de nouveau vers son ami.

Et tu l'as laissée la, tu n'as pas honte ? J'aurais été toi je l'aurais installée plus confortablement.

Il prit alors les jambes de l'adolescente et les posa sur le canapé. Il lui sembla bien sentir une contraction des muscles mais se dit qu'apres tout, il avait du rêver.
Il allait faire d emême avec les bras lorsque les paupieres dela jeune fille bougèrent également.

"Il semblerait qu'elle se reveille dit donc !"

Ayamé était très fier de lui . Une fois de plus, il s’était fait remarqué, et de la manière la plus spectaculaire possible ! Seulement, on commençait déjà à l’oublier, et ça, le serpent ne pouvait le supporter ! En effet, son cousin l’avait littéralement abandonné sur le sol de la pièce adjacente, sans attendre qu’il reprenne sa forme initiale.

Un pouf se fit entendre, un peu étouffé, mais pourtant audible et quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit de nouveau dans un grand fracas. D’un geste théâtrale, Ayamé ouvrit grand les bras hurlant joyeusement :

« HA HA HA, me voilaaa !!! »

Pour le repos de la pauvre Kajila, on pouvait dire que c’était raté, bien que le maudit n’ y prêta pas réelle attention. A moitié débraillé (et décoiffé) il traversa la pièce à grandes enjambées.

« Shiguré, tu m’as encore oublié, je trouve que tu me négliges un peu trop ces temps ci ! »

Puis remarquant enfin une Kajila endormie, il écarquilla les yeux apparemment surprit :

« Oohh, mais je vois que tu a de nouveau fait ton travail Hatori ! Quelle jolie fleur que voilà ! Pour une aussi jolie princesse que celle ci il faut évidement un prince ! »

Il marqua une pause avant d’ajouter un grand sourire candide aux lèvres :

« Je voulais parler de moi bien sur !! »

Puis il se pencha au dessus de la jeune fille avant de murmurer d’un ton frôlant le tragique :

« Oh mon dieu, ma Kajila-chan s’est évanoui à cause de moi en me percutant ! C’est affreux, c’est de ma faute si elle est dans cette état, Oooohhhh !!! »

[HJ ce n'est pas très long, dsl]

Rien n'est plus difficile que de ne rien faire. En tout cas pour Kajila qui trouvait très dur de feindre l'inconscience. Bien plus dur que ce qu'elle croyait. D'abord c'était inconfortable, ensuite, elle se sentait vulnérable et avait horreur de ca. Et puis son esprit commencait à paniquer maintenant qu'elle n'avait plus rien à faire.
Essayant de se souvenir des conseils de Natsuko, qu'elle n'avait pas vraiment écouté pour être franche, les scéances de méditation se transformant plus ou moins en sceances de visionnage de souvenirs d'Hatori, elle prt deux grandes inspirations et entreprit d'essayer de faire le vide dans son esprit, de toucher le centre de son être, un état de calme parfait qu'elle supsonnait d'être utopique.
Le silence de la piece devenait oppressant. Elle ne sentait pas le regard du médecin sur elle mais ne l'entendait pas bouger et se demadait ce qu'il faisait ! Loin de se douter qu'il l'admirait et hésitait, elle se dit qu'il attendait qu'elle soit reellement prete et se reconcentra sur sa tâche. Cela semblait marcher puisqu'elle entendit le médecin ouvrir la porte et faire couler de l'eau. Shigure ne tarda pas à entrer. Elle n'avait pas entendu ses paroles, perdue qu'elle etait dans ses pensées et dans le souvenir des yeux d'Hatori. Ce regard qu'ils avaient échangés...cette tendresse qu'elle ressentait pour lui, cette envie, presque ce besoin qu'elle avait de ses bras, de s a voix...

Shigure s'etait approchée d'elle et prit soudain ses jambes. Surprise, elle ne put s'empecher un mouvement. Elle se reprit rapidement mais visiblement pas assez vite et le chien annonca son reveil prochain. Elle allait lui donner raison et se reveiller tranquillement lorsqu'Ayamé les rejoins en faisant beaucoup, beaucoup de bruit. La résolution de la jeune fille fondit comme neige au soleil, elle en oublia presque pourquoi elle feignait l'inconscience. Ses paupieres se relevèrent et ses yeux se poserent succéssivement sur les trois maudits, perdus. Le regard de detresse qu'elle lanca alors au medecin n'etait en rien feint. Ayamé continuait a faire du bruit (elle n'arrivait même pas a saisir les mots qu'il prononcait), et elle était comme tétanisée...
Secouant la tête pour chasser les deux larmes qui en avaient profité pour couler, elle s'adossa au canapé et ramena ses jambes devant elle comme toujours lorsqu'elle se sentait en danger.
Elle ouvrit la bouche pour parler, la referma plusieurs fois....

"Je...euh...suis un peu...perdue la."

Ce n'etait qu'un murmure, un "cri" du coeur. A peine audible alors que la rougeur gagnait ses pomettes. Elle se sentait grogie, son coeur battait à se rompre. Elle ne savait pas pourquoi car elle se souvenait de tout, mais curieusement, elle avait bien plus peur des deux maudits que de la transformation d'Ayamé. La bulle de silence qu'elle s'etait crée en pensant à Hatori venait d'exploser violement.

"J'ai...soif...s'il vous plait" implora-t-elle alors en baissant les yeux, incapable de penser à ce qu'elle avait pourtant prévu de dire.

Hatori porta le verra à ses lèvres et but les deux premières gorgées d’un trait. Il s’étouffa en avalant la troisième quand il entendit Shiguré. Se retournant d’un coup, l’œil noir, vers son cousin, il se rendit compte que ce dernier était déjà parti dans le salon. Le Dragon décida de ne rien répondre ; il sentait qu’il n’était pas vraiment dans son état normal et avait peur de faire ou dire une bêtise.
Il épongea rapidement la flaque sur le sol, en s’appliquant à faire disparaître la moindre trace de liquide, pour éviter de penser à autre chose. Ses doigts étaient crispés, ses yeux un peu fixes ; il avait rarement été aussi tendu, sous l’effet conjugué de l’angoisse, de la colère et de la culpabilité.
Quand il se releva, il se crispa de nouveau aux paroles de Shiguré. L’eau goutta entre ses doigts, chassée de l’éponge compressée dans son poing serré, sans qu’il y fasse attention. Il la jeta dans l’évier et s’approcha de la porte du salon.
Shiguré avait pris Kajila dans ses bras et la déposait sur le sofa. Hatori se mordit les lèvres ; sans compter le fait que la lycéenne allait avoir plus de mal à faire semblant d’être évanouie si on la touchait, cette scène lui déplaisait au plus haut point. Encore une fois partagé entre la crainte d’être découvert et son irritation, il se força à rester totalement immobile, une main sur l’encadrement de la porte, l’autre contractée. En ce moment, il devait plus ressembler à un paquet de nerfs qu’autre chose…
L’ambiance dans la pièce était très lourde pour le maudit. Sa nuque était rigide, il était incapable de prendre la moindre initiative. Ce fut à ce moment-là qu’Ayamé débarqua.
Comme d’habitude, le Serpent arrivait au moment où l’on s’y attendait le moins, en grand fracas, et complètement inconscient de ce qui se passait autour de lui. Hatori se sentit tout de suite beaucoup mieux, comme si on avait ouvert une fenêtre d’air frais ; il soupira et profita de ce qu’Ayamé monopolisait l’attention générale pour essuyé son front moite avec le revers de sa manche.
Il laissa le couturier s’épuiser en paroles comme à son habitude –de toute façon ce n’était pas comme s’il avait pu faire autrement-, puis rentra complètement dans la pièce, s’adossant au mur et croisant les bras.
Ce fut juste à ce moment-là qu’il intercepta le regard de Kajila. C’était sans doute l’arrivée pour le moins fracassante du Serpent qui avait dû la perturber. Ses grands yeux sombres semblaient affolés. Le médecin se redressa d’un coup, décroisant les bras. Il vit très nettement deux larmes couler sur les joues de la jeune fille qui les chassa très vite en s’asseyant. Hatori la regardait intensément, se demandant avec angoisse si sa détresse était jouée, ce qui lui paraissait tout de même peu probable.
Une nouvelle vague de culpabilité l’engloutit ; sa gorge se noua et ses yeux se rivèrent aussitôt au plancher. Il n’aurait jamais dû lui imposer cela… mais le moyen de faire autrement ?
Troublé, il tâcha de continuer à jouer le jeu. Il s’adressa tout d’abord à son cousin qui continuait de parler, ou plutôt de crier, de son côté, en disant d’une voix morne mais pleine de reproches:

Ayamé, c’est en effet de ta faute si Kajila est évanouie… Alors si tu pouvais éviter de crier pendant qu’elle essaye de se reposer…

Hatori envoya un regard significatif au couturier, puis s’approcha du sofa et s’agenouilla devant Kajila.

Kajila… vous vous sentez bien ?

En dehors des apparences, le médecin était profondément inquiet pour la jeune fille. Jamais encore il ne l’avait vue pleurer, et cela l’avait marqué. A force de la voir toujours souriante, fière et rebelle, il en avait oublié qu’elle avait ses faiblesses, comme tout le monde…
Il la fixa jusqu’à ce qu’elle se décide à parler d’un ton craintif, qui ne fit rien pour le rassurer.

Tout va bien. Ayamé est tombé sur vous en trébuchant sur un livre et vous vous êtes évanouie.

Voilà, c’était ça. Finalement ce n’était pas si difficile de mentir. Il suffisait de répéter un texte préparé à l’avance, en espérant qu’on était convaincant. Maintenant, il fallait seulement éviter de faire des gaffes. C’était aussi simple que ça. Vraiment très simple. Il n’y avait aucune raison pour qu’on ne le croie pas, n’est-ce pas ? Aucune…
Son trouble commençait à transparaître sur son visage, et le maudit s’en rendait compte. Il avait de plus en plus de mal à contenir son stress. Heureusement, la demande de Kajila lui procura une excuse toute faite pour s’esquiver et tâcher de se contrôler.

Ne bougez pas, je vais vous chercher un verre d’eau.

Hatori fila à nouveau dans la cuisine. Il s’aspergea le visage, but d’un trait un verre d’eau. Puis il respira à grands coups pour se calmer ; le tout le plus silencieusement possible pour ne pas éveiller les soupçons. Jetant un œil furtif vers le salon pour s’assurer qu’on ne l’avait pas vu, il s’essuya rapidement le visage, remplit un nouveau verre, puis retourna le donner sans un mot à la jeune fille, les yeux baissés de peur de se trahir.

Shiguré se retrouva bientôt totalement eclipsé par son cousin. Et il n'aimait pas cela du tout, mais avant qu'il ai pu en rajouter une ou deux couches, Hatori était intervenu, servant e verre d'eau demandé à la jeune fille, qui, soit dit en passant, etait encore plus mignonne lorsqu'elle etait perdue.
Il posa sa main sur l'épaule du serpent pour l'éloigner de l'adolescente et se reserver un léger créneau pour faire sa propre entrée lorsque celle-ci, apres avoir avalé l'eau d'un trait, se leva brusquement.
Le chien fit un bond en arrière. C'est qu'elle avait failli lui tomber dans les bras !
Surprit, il la regarda faire un ou deux pas dans la pièce, comme pour retrouver son aplomb, et les saluer tous les trois bien bas.

Le chien dévisagea cette curieuse soma qui semblait soudain détendue et pleine de vie. Généralement lorsqu'Hatori vous effacait la mémoire, il fallait plusieurs heures pour retrouver tout son calme ! A quel point la tranquillité de a jeune fille était dictée par la fierté et comment se sentait-elle, vraiment ?
Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas Kajila s'excuser, remercier pour le thé et dans un profond salut, prendre son sac et partir (avec un dernier regard pour Hatori que, cette fois, le chien réussi à intercepter).

Une fois Kajila partie, Shigure sentit comme un malaise dans la pièce. Quelque chose ne tournait pas rond ! Mais quoi ?
En temps normal, le chien serait resté rien que pour découvrir ce qui le turlupinait et pour ennuyer l'hippocampe, mais un serviteur entra pour lui dire qu'Akito-domo l'attendait et le chien ne pouvait faire attendre le chef de famille.

Il sourit, et prit un ton désesperé pour dire au-revoir a ses amis.

"Bien, il semblerait que le devoir m'appelle, moi aussi ! Je suis au désespoir de vous quitter, mais notre doux chef me réclame et je le vois mal se passer de mes soins plus longtemps ! Il ne me reste qu'a vous quitter et vous souhaiter à tous les deux une bonne soirée de Hanami ! Faites pas trop de bêtises hein ? Je vous rappelle que vous n'êtes pas encore mariés !"

Il fit un clin d'oeil entendu à Ayamé, un autre, très grivois à Hatori et sortit de sa démarche sautillante habituelle.

Lorsque la jeune Kajila eut ouvert les yeux, Ayamé ne manqua pas de l'accueillir comme il se doit! Se penchant en avant de telle sorte qu'elle aurait comme première vision son visage enjoué, il s'écria très joyeusement (un peu trop pour les oreilles de tout le monde!):

"Mais c'est qu'elle s'est reveillée ma Kaji-chaaaaan! "

Mais il ne put montrer à quel point il était ravi de la voir revenir à la raison puisque son cousin l'écarta immédiatement de la scène (ce qui était d'ailleurs plus prudent pour la santé de Kajila).

"Merveilleux! Merrrveilleux! J'avais si peur qu'elle ne se reveille pas!"

Puis il fit deux trois petits tours sur lui même en riant aux éclats sans faire attention à la tension presque palpable qui se sentait dans la pièce.
D'ailleurs, et contrairement à son cousin le chien, il n'avait même pas senti qu'il y avait bel et bien quelque chose d'étrange, à commençer par l'attitude d'Hatori et Kajila.

Lorsqu'elle se fut eclipsée (son départ accompagné par les "au revoir" stridents du serpent), Shiguré annonça lui même qu'il devait partir. Ayamé se jeta à son cou en s'écriant:

"Mon Shi-shiii!! Tu nous abandonne deja vilain!"
Puis il ajouta:

"Ca me fait penser que j'ai laissé Minné toute seule aux commandes ce soir.... j'ai peur pour ma cuisine, la pauvre n'est vraiment pas très douée en cuisine! Comme je tiens à ma maison, je vais devoir te laisser tout seul mon pauvre Totori! HA HA je sais bien que tu vas te retrouver sans invités et triste de ta misérable solitude mais ... N'AI CRAINTE!!! Je t'appelerais une fois rentré, et nous pourrons parler touuuuuute la nuit!"

(Inutile de dire que seul Ayamé parlait dans ce genre de conversation téléphonique!)

Puis dans un coup de vent, il sortit en trombe de la maison, en riant comme il savait si bien le faire: d'une manière tout sauf dicrète.