Au fond du trou...

Cela faisait maintenant bientôt trois semaines que Mayuko n’avait plus remis les pieds au lycée. Le départ précipité de Gaeyu l’avait prise au dépourvu et lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Elle aurait voulue mettre les choses au point avant mais il s’était volatilisé du jour au lendemain sans rien dire à personne, pas même à se proches ! Cette soudaine disparition l’avait plongée dans un grand désarroi. Elle était restée alitée des jours entiers en se demandant ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter un pareil traitement.

Finalement, le médecin lui avait prescrit un traitement et du calme. Elle avait englouti sa dose de médicaments et était sortie de chez elle sans réel motif. Les cheveux en bataille, les vêtements froissés et sales et avec des cernes de trois kilomètres sous les yeux, elle déambulait tel un zombi dans les rues. De nombreuses personnes se retournaient sur son passage mais dans l’état où elle était, elle ne remarquait rien. Rien n’avait plus d’importance ! Elle était seule, vieille et sans enfants en fin de compte ! c’est alors qu’elle buta sur le dos de la personne qui la précédait…

Kajila s'ennuyait. Elle avait besoin de faire le point apres les evenements du Hanami, et ne rien avoir à faire n'arrangait pas son humeur. Elle marchait, pensive dans les rues, et sans prévenir, s'arrêta regarder une mésange qui s'envolait dans le ciel azuré de ce début d'hiver.
Quelqu'un, surprit sans doute, lui rentra dedans. L'adolescente ne réagit quasiment pas. Elle était perdue dans ses pensées.

"Vous devriez faire le tour si vous voulez passer"

Sa voix était inhabituellement calme et rêveuse. Elle n'avait même pas tourné la tête pour voir qui avait osé la bousculer.
Au bout d'un moment, cependant, elle l'information arriva jusqu'à son cerveau et elle daigna faire demi-tour pour voir qui était cette personne...si celle-ci n'était pas déja partie.
Elle se retrouva donc nez à nez avec Mayuko ! La pauvre semblait en sale état. Jamais elle ne l'avait vue ainsi.
Son coeur se serra. Oui, May était son ennemie mais au fond, elle l'aimait bien et l'état dans lequel elle voyait son professeur était loin de lui faire plaisir. Sans penser à ce qu'elle faisait, elle prit la main de la libraire et la tira doucement pour la mener jusqu'a un banc public, non loin.

"Makura-sensei ? Vous êtes avec moi ?"

Machinalement, Mayuko leva les yeux vers la personne qu’elle avait bousculée sans s’en rendre compte. C’était une jeune fille. Bien que le visage lui était familier, elle n’arrivait pas à la resituer. Elle resta donc là, les bras ballants et le regard vide. C’est alors que l’inconnue lui parla. Apparemment, elles semblaient se connaître. Mais le professeur était à cent lieux de là et elle ne réagit même pas à l’évocation de son « petit nom ». Tout au plus haussa-t-elle les épaules et se laissa guider vers un banc.

Là, elle resta debout face à l’objet, indécise sur l’attitude à adopter. Ses yeux passèrent de la jeune fille au banc et du banc à la jeune fille. Finalement, elle ouvrit la bouche et articula péniblement :

Z’êtes qui ?

Puis elle fit mine de vouloir repartir dans son errance.

Bien qu'elle soit triste de voir sa meilleure ennemi dans un état pareil et qu'elle la prenait en pitié, Kajila ne supportait pas l'apathie et ce qu'elle considérait pour de l'apitoiement sur soi-même (quelles qu'en soient les raisons d'ailleur). En la voyant dévisager le banc comme s'il allait la mordre, la jeune fille ne pu retenir un soupir d'impatience et tira sèchement sur le bras de son professeur pour la forcer à s'asseoir.

Toute à fait revenue sur terre, elle l'examina à nouveau. Elle fut une nouvelle fois frappée par l'impression de détresse quedégageait la jeune femme. Elle semblait ne pas avoir dormi, mangé ou s'être lavée depuis longtemps. Ryu lutta contre l'envie soudaine de la jeter dans la fontaine qui coulait pas loin de là, histoire de la reveiller un bon coup.
Au lieu de cela, elle la regarda droit dans les yeux, un petit sourire aux lèvres.

"Je suis quelqu'un qui n'aime pas du tout qu'on oublie qui elle est."

Et, posément, elle lui assena une giffle sonore. Certes, Mayuko était son professeur, et elle s'exposait à un certain nombre de réprimandes voire même, dans le pire des cas, à un renvois pur et simple du lycée, mais elle voulait reveiller son amie ! Et puis depuis le temps qu'elle rêvait de ce moment, des broutilles de ce genre n'allaient pas lui gâcher son plaisir !

La main levée vers l'autre joue, toujours calme et souriante en apparance, Kajila continua.

"Cela va mieux ? Ou vous en voulez une autre ?"

Le son de la gifle résonna tant et si bien que certains passant s se retournèrent dans la direction des deux femmes avec un regard réprobateur. Mais Mayuko était à mille lieux de ça. Elle leva lentement une main vers la joue endolorie et la frotta doucement. Ses yeux reprirent un peu vie et se posèrent sur la jeune fille.

Kajila ????

Le ton était plat, sans conviction aucune et elle regardait son ennemie comme si elle venait seulement de l’apercevoir.

Qu’est-ce que tu fais ici ?

Continua-t-elle du même ton éteint. Elle regarda vaguement autour d’elle et vit qu’elle se tenait dans un coin de la rue piétonne. Mayuko fronça légèrement un sourcil puis finalement haussa les épaules. Peu importait en fin de compte. Elle s’approcha néanmoins du banc et s’y laissa tomber de tout son poids. Puis après quelques secondes de silence, une larme se mit à couler le long de la joue de l'enseignante.

C’est à cet instant précis que le rapace choisit pour faire son appariation. Comme toujours, il avait don d’apparaître au plus mauvais des moments !
Un grand sourire aux lèvres, l’œil mauvais et une cigarette à la main il déclara après s’être approché furtivement :

« Essaies de savoir pourquoi TOI tu es ici avant de poser ce genre de questions ! »

Il jeta à terre son mégot qu’il écrasa du bout du pied.

« Connais tu seulement la réponse ?! »

Il ricana un peu avant de poser les yeux sur son élève. De loin il ne l’avait pas reconnue mais se doutait bien qu’il s’agissait d’un des étudiants de son lycée, qui d’autre viendrait au secours d’une pauvre prof dépressive ?
Mayuko il la suivait depuis quelques minutes, non pas qu’il avait à lui parler mais seulement parce qu’elle prenait la même direction ou il devait se rendre.
Et si il était dans ce coin à cette heure ci, ce n’était pas pour une petite balade matinale mais pour un besoin très pressant qu’il se devait de combler. Un homme devait l’attendre dans une des ruelles les moins fréquentées de la ville pour ‘l’approvisionner’. En effet, cela faisait bientôt trois jours que Shouta n’avait rien prit (par manque d’argent) ce qui le rendait encore plus détestable que d’accoutumé. Heureusement pour lui, les tremblements répété de son corps s’étaient atténues, tout comme les nausées.
Tout ce qu’il lui fallait à présent pour aller mieux, c’était les quelques sachets qui l’attendaient patiemment dans les poches du dealer et qu’il allait s’empresser d’empocher !

En attendant, il était en avance d’une heure, ce qui lui permettrait de s’amuser un peu avec Mayuko.
Les yeux brillants d’une lueur malsaine, il s’adressa ensuite à la jeune dragonne :

« On vient en aide à sa professeur gamine ? Ou est-ce que cette pauvre Mayu a du te payer pour pouvoir marcher droit ces temps ci ? »

Bon, pour la vanne il aurait pu trouver mieux. Mais c’est qu’il était fatigué et plutôt stressé ! On pouvait d’ailleurs remarquer de grandes cernes sous ses yeux et il paraissait plus faible que d’accoutumé. Pourtant, à côté de Mayuko, il semblait déborder de vitalité !

« Et on peut savoir ce qui ne va pas cette fois Mayu-chan ? »

Il prit un air profondement agacé, comme si il arrivait souvent à la jeune femme de se mettre dans ces êtats.

Narrateur:

Tout à coup, plusieurs voitures en stationnement virent leur alarme se déclencher tandis que la terre se mettait à tanguer dangereusement. Un chien hurla à la mort et les panneaux publicitaires de certains commerçants se couchèrent ou plutôt furent littéralement jetés au sol. La ville était victime d’un tremblement de terre d’une violence inouïe ! Un poteau électrique s'écroula à quelques mètres du trio détruisant au passage la devanture d'un magasin.

En entendant Shouta, Mayuko le va lentement la tête. Elle ne chercha même pas à savoir ce qu’il pouvait bien faire là au lieu d’être en cours. Plus rien ne semblait l’étonner et même les piques de son collègue semblèrent passer au dessus d’elle.

« Fiche-moi la p… »

Le reste de sa phrase mourut dans sa gorge tandis que la terre s’était mise à tanguer dangereusement. Autour d’elle, les gens et les objets semblaient pris de folie. Elle les regarda d’un air hébété sans comprendre qu’ils étaient victime d’un séisme. Son regard passa de Kajila à Shouta. Comme si l’un d’eux avait la réponse. Soudain, ses yeux s’agrandirent entre peur et étonnement. Derrière Shouta, un poteau électrique venait de s’écraser avec fracas sur une habitation et bientôt, ils furent engloutis par un nuage de poussière.

Mayuko toussa en n’en plus finir, une main devant sa bouche. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour en chasser les saletés qui s’y étaient installés et regarda autour d’elle un peu sonnée.

« Mais qu’est-ce qui se passe ? »

"Je me promène, pourquoi ? J'vais pas rester au bahut alors que votre cour est annulé ! Fait bien trop beau !"

L'arrivée de Fukuda-senseï la fit presque autant sourire que la réaction de Mayuko. Ce n'était pas tout les jours que l'on pouvait impunément se défouler sur son professeur ! Bien qu'elle fut surprise de l'entendre, elle se controla assez pour ne rien manifester. Ses yeux brillaient d'ironie et elle attendait patiemment la scène qui, elle le savait, allait se jouer sous ses yeux.
Et elle ne fut pas décue. Fukuda attaqua rapidement avec une série de vanne qui semblèrent toucher un peu Shiraki. Celle-ci avait même commencé à rétorquer lorsqu'une forte secousse la jeta à terre.
Plus vexée de se retrouver littéralement aux pieds de ses deux "ennemis" qu'effrayée par la secouse qui, bien que plus forte que d'habitude, n'était ni la premiere, ni la derniere de sa courte existence, elle se releva, les sourcils froncés.

"Si vous voulez mon avis, il ne fait pas bon rester dans la rue. Quelqu'un connait une bâtisse sure dans le coin ? C'est pas que j'ai pas envie de me faire ecraser par un poteau ou engloutir dans une crevasse mais j'ai prévu mieux pour ma journée..."

Shouta eut un petit rire aigre. C’est étrange, il se rappelait pas avoir cours ce jour là ! De toute façon il n’avait absolument pas le temps pour le moment.
Jetant un coup d’œil à sa montrer pour vérifier l’heure, il ignora également la remarque de son élève. Mayuko elle mit un temps avant de remarquer sa présence.
Shouta en profita pour sortir une de ses cigarettes oubliées dans son manteau, et voulut l’allumer lorsqu’une violente secousse ébranla la terre.
L’homme ne s’attendant pas à un événement de cette envergure, laissa échapper un cri étouffé, faisant s’envoler sa cigarette sur le bitume.
Kajila tomba à terre, tandis que sa collègue ne semblait pas comprendre ce qui était en train de se passer.
Un poteau alla s’échouer sur le sol, non loin de lui dans un fracas innommable.
Ce n’était plus le méprit qui se lisait sur son visage, mais belle est bien de la peur. Il ne souhaitait cependant pas mourir écrasé pour un poteau, une fin semblable très peu pour lui ! Il s’écria d’un ton bref :

« Seisme….pas rester ici… »

Kajila tentait faire de l’humour , mais le rapace était déjà bien trop occupé à chercher un moyen de s’en sortir pour écouter.
Au moins, se dit il elle se rendait bien compte de ce qu’il était en train de ce passer.

Soupirant d’agacement, il attrapa d’un geste brusque le bras de Mayuk, et la força à se relever. Puis, il la tira littéralement en direction d’une autre rue, prenant bien soin à ne pas se placer sous des objets susceptibles de les écraser. Il hurla en direction de Kajila :

« Dépêche toi gamine ! Dis toi bien que moi non plus j’ai pas envie de crever ici !! »

Tout à coup, Mayuko sentit quelque chose l’attraper par le bras de la tirer violemment loin du banc. L’instant d’avant, elle avait cru entendre Shouta dire « séisme » mais son état de découragement était tel qu’elle n’avait pas vraiment réagi. Elle ne remarqua même pas que son ex n’en menait pas large ! Elle se contenta de le suivre en se laissant faire. Ils zigzaguèrent entre toute sorte de débris et slalomèrent pour éviter des personnes complètement paniquées qui courraient dans tous les sens en dépit des consignes de sécurité.

Soudain, Mayuko stoppa net au risque de se faire arracher le bras. Cette petite course l’avait épuisée et elle avait besoin de reprendre son souffle. Pliée en deux au milieu de la route, elle tentait comme elle pouvait de faire entrer un peu d’oxygène dans ses poumons en feu. C’est alors qu’une réplique de la secousse se fit sentir. La jeune femme se retrouva les quatre fers en l’air et ouvrit des yeux pleins d’effroi. Elle réalisait enfin ce qui se passait et voyait le mur d’une maison fondre droit sur eux.

Elle comprit tout de suite que Shouta allait être touché de plein fouet mais le temps qu’elle le prévienne, il serait trop tard. Alors dans un geste désespéré, elle le poussa brusquement sur le côté au moment ou la tonne de briques s’abattait sur eux. Elle recula prestement mais pas assez apparemment car bientôt, une de ses jambes se retrouva prise sous les débris. Mayuko grimaça de douleur et s’évanouit.

Mayuko ne semblait pas avoir comprit ce qu’i était en train de se passer. Pourtant, la panique qu’il régnait, ainsi que les bruit tonitruant de la terre en furie aurait du l’interpeller. Mais elle contentait pourtant de se laisser tirer, sans mot dire.
Shouta lui réfléchissait à toute vitesse, se répétant inlassablement qu’il ne voulait pas mourir. Jusque lors, il ne s’était retrouvé qu’une seule fois en danger de mort, lors de son overdose. Et il aurait préféré qu’il n’y en ai pas de deuxième !
Kajila semblait suivre, mais il ne se tourna pas pour autant pour vérifier. La santé de sa jeune élève ne l’importait peu…il aurait d’ailleurs du en être de même pour celle de Mayuko, mais alors pourquoi la traînait il en arrière ?
Se rendant compte de cette vérité avec une certaine horreur, il lâcha le bras de la jeune femme. Qui s’accorda alors une pause, apparemment essoufflée :

« Tu m’expliques ce que tu fa… »

La fin de sa phrase fut coupée par le bruit sonore venant d’au dessus de lui. Manquant de réflexe, il ne pu se contenter que de fixer le mur qui menaçait de s’écrouler sur lui, le visage figé de stupeur.

« Non… »

Il ferma les yeux, mais fut violemment poussé sur le côté. Tomant la tête la première sur le sol, il sentit son menton taper le trottoir avec violence. Le bruit s’estompa alors, accompagné d’un nuage de fumée.
Le jeune homme toussa, avant de se relever un peu. Il ne voyait pas ou était Mayuko, tout ce qu’il savait c’était qu’il avait le menton en sang.
Puis il vit la jeune femme évanouie, sa jambe bloquée par la chute de brique.
Se rapprochant de la jeune femme, il comprit quand quelque sorte elle l’avait sauvé, en prenant le risque de se faire tuer elle même.

Shouta se sentit alors furieux. Pourquoi avait elle fait ca ? Pourquoi avait elle cherché à le sauver ? Et pourquoi est-ce qu’il était encore là, avec elle alors qu’il ferait mieux de sauver sa peau ?

« Quelle idiot !. Pourquoi t’as fait ça , hein !!? » demanda sans se soucier de si la jeune femme était revenue a elle même ou non.

Mais Shouta avait beau s’époumoner, Mayuko n’entendait rien. Il se passa bien 5 mn avant qu’elle ne refasse surface. Dans un premier temps, elle ne distingua rien. Elle était davantage occupée par une sourde douleur venant de sa jambe qu’autre chose. Une douleur vive et intense. A tous les coups, elle devait être brisée pour faire un mal pareil ! Puis elle commença à se rendre compte qu’il y avait une présence à ses côtés. Une ombre. Elle plissa les yeux, leva une main pour écarter les mèches de cheveux qui gênaient sa vision et reconnut…Shouta qui la regardait d’un air mécontent.

« Tiens ? T’es encore là, toi ? »

Articula-t-elle péniblement. Elle avait envie de crier, hurler sa douleur comme pour exorciser ce mal qu’elle ressentait. Mais un tel acte aurait été admettre sa faiblesse et si elle avait retenu une chose de sa relation avec son collègue, c’était de ne jamais montrer ses points faibles !

Elle tenta donc de s’asseoir et retint à grand peine une grimace de souffrance. Son visage pâlit dangereusement, ses lèvres devinrent exsangues et ses poings se serrèrent sous l’effort. Le choc passait, elle se risqua à jeter un coup d’œil à sa jambe et comprit l’étendue des dégâts en la voyant prise sous les gravas.

« Oh mon dieu ! »

Fut tout ce qu’elle fut capable de dire devant de spectacle.

La blessure n’était vraiment pas belle à voir ! Shouta détourna les yeux de la jambe de sa collègue. Son regard était alors indéchiffrable, était il hautement troublé ou au contraire se fichait éperdument de ce qui arrivait à la jeune femme ? Pour le moment aucun des deux. Car Shouta se retrouvait confronté à un cruel dilemme ! Il avait le choix entre choix : Celui de partir immédiatement pour sauver sa peau, ou au contraire rester pour aider la pauvre Mayuko et ainsi risquer de se faire tuer.
La jeune femme elle essayait de garder bonne figure, de faire en sorte qu’il ne voit sa douleur. Se relevant (il était jusque lors accroupi) il eut un regard suspicieux au sol, se demandant combien restait il de temps avant qu’une nouvelle secousse apparaisse. Quelque soit son choix il devait se dépêcher car il ne lui restait que très peu de temps.
La voix de l’enseignante lui fit prendre conscience de sa présence. Il fronça les sourcils et décréta :

« Oui je suis toujours là…Et pourquoi tu m’as poussé hein ? Tu es vraiment inconsciente…Tu aurais pu te tuer. Non pas que ce soit mais j’ai pas trop envie d’avoir ta mort sur ma conscience... »

Inconstamment, il avait choisit la seconde solution : Il avait horreur de devoir quelque chose à quelqu’un. Enlevant méticuleusement la jambe de la pierre, il souleva ensuite la jeune femme, l’air énervé. Puis chancelant légèrement sous son poids il décréta :

« J’espère pour toi que l’hôpital ne s’est pas écroulé…j’ai pas envie de te porter indéfiniment. »

Puis il prit le chemin de l’hôpital, du pas le plus rapide que lui permettaient ses jambes, se demandant au passage si il n’était pas devenu complètement fou !

Ce fut au tour de Mayuko de froncer les sourcils. Avait-elle rêver ou bien Shouta tentait-il d’être « gentil » avec elle ? Cela ressemblait tellement peu à l’enseignant que finalement, elle mit ça sur le compte du stress lié aux circonstances. Il commença alors à tenter de la dégager des décombres. Mais à chaque fois qu’il bougeait un détritus, Mayuko, elle, grimaçait de douleur dans son dos. Néanmoins, elle réussit tout de même à répondre à ses interrogations.

« Pareil pour moi !…Tu as beau être infect avec tout le monde, je refuse de voir mourir qui que ce soit dans de telles circonstances !...Et rassure-toi, je n’ai aucune intention suicidaire ! »

Elle se tut un court instant et sembla perdue dans ses pensées. Puis elle posa à nouveau son regard sur Shouta et ajouta d’une voix à peine audible :

« Du moins, plus maintenant ! »

Mais contre toute attente, la «bonté» passagère de son collègue ne semblait pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. Déjà, il la levait à bras le corps et l’emmenait vers l’hôpital pour l’y faire soigner. Cet ultime rebondissement laissa Mayuko sans voix. Bien sur, il avait l’air agacé et pas très content mais malgré tout, elle ne comprenait pas pourquoi il agissait ainsi. Elle s’était attendue à ce qu’il la laisse se débrouiller toute seule et au lieu de ça… Elle ne savait plus que penser de Shouta. Elle soupira soulagée.

« Je ne t’en demande pas autant non plus ! »

Marchant avec vivacité, le jeune homme lançait des regards nerveux tout autours de lui tandis que sa collègue lui expliquait qu’elle n’avait à présent plus envie de se suicider. Il haussa un sourcil avant de décréter sans réelle conviction :

« Ah. »

Etait elle en train de lui apprendre qu’elle aurait cherché à mettre fin à ses jours comme l’autre crétin ? Si c’était le cas, qu’elle ne compte pas sur lui pour demander des détails sur l’affaire. Car il s’en fichait éperdument.
Contournant une carcasse de voiture éventrée, le jeune homme espérait qu’il arriverait bien vite à l’hopital. Mayuko paraissait surprise de tant d’attentions et lui expliqua qu’elle n’en demandait pas tant. Shouta stoppa net sa course, avant de décréter d’une voix glaciale :

« Si c’est ce que tu veux je te laisse là. Ne crois pas que je fais ca pour toi. Je n’ai juste pas envie d’avoir ta mort sur la conscience. »

Il buta légèrement sur une pierre, puis reprenant appui il poursuivit :

« T’as d’autres choses à me dire dans ce genre ? histoire qu’on en finisse. »

Mayuko se mordit les lèvres. Elle avait encore manquée une occasion de se taire car à présent, Shouta menaçait de la laisser en plan. Elle se traita mentalement d’idiote au moment même où ce dernier trébuchait sur une pierre. Cette petite embardée arracha une grimace à la jeune femme. Sa jambe la faisait de plus en plus souffrir. Machinalement, elle jeta un coup d’œil et vit une tache rouge qui s’agrandissait à toute vitesse sur ses vêtements. Elle leva précipitamment la tête vers son saint bernard.

« A l’allure où je me vide de mon sang, ça va finir plus tôt que tu crois, Shouta ! »

Commenta-t-elle d’une voix blanche. D’un mouvement de tête, elle lui désigna sa blessure. Mais elle ne s’arrêta pas pour autant et continua à avancer envers et contre tout. Elle savait bien que si elle stoppait encore une fois, Shouta n’aurait aucun scrupule à l’abandonner même si elle était au seuil de la mort !

« Dépêchons-nous, s’il te plait ! Je n’ai pas envie de mourir ! »

Mayuko l’exaspérait au plus haut point, mais elle avait raison pour ce qui était de sa blessure : Saignant d’avantage à chaque minute qui se passait, elle allait finir par se vider de sang si il n’y faisait pas quelque chose.
Laissant échapper quelques jurons il stoppa une nouvelle fois sa route. Sans expliquer ce qu’il était en train de faire, il tourna la tête à droite puis à gauche semblant chercher quelque chose. Puis il se dirigea d’un pas décidé vers un endroit abrité. Posant à terre sa collègue, il retira son sous pull. Puis sans ménagement il entoura la jambe de Mayuko avec son pansement de fortune serrant très fort.
S’étant assuré qu’il l’avait bien placé, il se releva passant une main sur son front :

« Au moins ça t’empêcheras de pisser le sang le temps qu’on arrive à l’hosto. »

Ses mains étaient pleines de sang, et cette vision lui arracha une mine de dégoût. D’un geste frénétique il chercha à s’essuyer sur son pantalon l’air inquiet.
Car cet épisode ne lui rappelait que trop bien un autre. Le même souvenir qui le hantait depuis si longtemps, sans qu’il puisse l’oublier.
S’asseyant près de Mayuko (qu’il avait par la même occasion oublié), il cacha son visage dans ses mains, puis ne bougea plus du tout.

« J’en ai plus qu’assez… »

Ce fut la seule phrase qui alla briser le silence pesant. Si Mayuko tenait à la vie, vaudrait mieux pour elle qu’elle le réveille et vite ! L’hôpital était encore loin…