Au fond de l'eau

"C'est un jour gris et maussade. Pas d'azur où le blanc des cumulus flirte avec l'or du soleil, pas les torrents d'eau qui semblent tout emporter sur leur passage.
Un jour de brouillard terne et sans saveur, un de ces jours comme on les voit sur les aquarelles où les montagnes immobiles au chapeau de neige semblent surgir des nuages et regarder avec serenité la folie des hommes.
Ce ne sont pas même les tenebres qui enveloppent et effraient, car il fait clair dans mon coeur. Seule la même question tourne inlassablement...."

Kajila posa son stylo et reflechit...puis, d'un geste ragueur, elle fit un trait oblique sur le texte et recommenca en dessous.

"Le dragon nait au fond d'un lac de cristal là où tout est calme et fluide. Il grandit ainsi protegé de la peine par sa prison d'eau, mais un jour il souhaite en sortir. Il prends alors son elan et nage juqu'a crever la surface des eaux. Il perce s'envole goute au vent...mais est stoppé dans son elan.
Une chaine de larmes le retient au lac, il est enchainé par ses peurs et son amour. Il ne peut s'evader que par la pensée et je ne sais pas briser cette chaine...c'est peut etre pour cela que personne ne voit jamais le dragon..."

La jeune fille soupira, elle n'arrivait pas a mettre de mots sur l'etrange sentiment qui l'avait saisi en se levant ce matin. Elle ne savait pas ce que c'etait mais cela n'arrivait pas a sortir !
Elle leva les yeux. Elle etait au parc...mais quelle importance...

Elle posa son stylo et sortit un crayon a papier. Elle dessina alors le dragon dans son lac de cristal en train de s'elancer dans les airs mais retenu dans son elan par la chaine de larmes. Puis un autre a coté, couché, la vie quittant ses yeux fatigués et triste.
Elle etait tellement absorbée par son dessin qu'elle n'entendait ni voyait rien de ce qui se passait autour d'elle.

Satsuki avait décidé d'aller faire une petite ballade histoire de se dérouiller un peu les jambes. Elle avait de plus en plus de mal à se mouvoir au fur et à mesure que son ventre s'arrondissait. Elle arriva dans une allée du parc ou il restait par chance quelques bancs de libre. Elle s'apprêtait à s'y installer lorsqu'elle entendit une voix murmurer doucement. Elle se tut et écouta attentivement. Ce qu'elle entendit lui tira des larmes de ses yeux pourtant joyeux. Elle regarda autour d'elle et avisa une jeune fille assise sur un banc non loin d'elle.

Il y a tant de mélancolie dans votre poème et tant d'envie de vivre aussi! j'en suis toute retournée!

Elle s'assit à côté de l'adolescente et posa ses mains sur son abdomen. Puis elle sourit avec son air doux habituel.

Vous savez, mademoiselle, c'était si beau que mon bébé s'est assagi sur le champ dès qu'il a entendu le son de votre voix. Il a du vous prendre pour un ange!

Elle saisit alorsle poignet de kajila et posa la paume de sa main sur le foetus qui recommencait à trésaillir.

Kajila finissait son dessin lorsqu'elle entendit une voix feminine a coté d'elle. Elle se retourna, surprise et vit une jeune fille aux longs cheveux blonds et aux yeux verts...enceinte jusqu'aux yeux.
Elle semblait bien jeune pour avoir un enfant mais la jeune fille etait trop triste pour se poser des questions. Elle se contenta de saluer de la tête le compliment, le visage fermé les yeux ternes et fatigués, la peau blanche comme si elle etait malade.
Kajila n'aimait pas les contacts physiques, n'ayant jamais recus de calins dans son enfance, ni de main qui se pose amicalment sur votre epaule mais elle se laissa faire sans même penser a reagir. Il lui semblait qu'aujourd'hui, rien n'avait d'importance, de saveur ou de realité.
Le ventre tressailli mais c'est a peine si la jeune fille le sentit.
Mal a l'aise elle tripota son banana gris argent qu'elle portait autour du cou pour cacher les traces de son recent affrontement avec Akito et donner de la credibilité a sa "laryngite"...

De la mélancolie oui mais je ne sais pas ou vous voyez de l'envie de vivre...

Elle soupira.

De toute facon il est pourri, il n'exprime pas ce que je ressens. La poesie c'est pas mon truc.

Ses yeux se perdirent dans le vide.

Si vous voulez un conseil, n'apprenez pas a votre bebe a croire aux anges et autres reves ou il sera decu toute sa vie. Apprenez lui a se battre et a ne jamais rien ceder. Il ne sera ptet pas heureux mais au moins il ne souffrira pas.

Sa voix etait curieusement denuée de son ironnie habituelle,pourtant au moment ou elle le disais, Kaj savait que c'etait faux. Son amour pour Hatori-sama, ses rêves et ses desillusions la faisaient certes souffrir, mais le bonheur qu'elle eprouvait simplement a le savoir pret d'elle valait bien tous ces moments de deprime...

Satsuki écouta le jeune fille sans rien dire tout en continuant de sourire. Elle tenait toujours sa main posée sur son ventre. Or à chaque fois que la lycéenne parlait, le bébé cessait de s'agiter comme par miracle et chaque fois qu'elle se taisait, il recommençait à donner des coups de pieds de plus en plus fort!

Vous voyez bien! Mon bébé aime votre voix! Elle a une effet apaisant!

La future maman se rapprocha davantage de Kajila jusqu'à être côte à côte avec elle. Elle la trouva si triste qu'elle décida de lui redonner le sourire à sa façon. Doucement, sans se précipiter, Satsuki passa ses bras autour des épaules de la jeune fille et la serra sur son coeur. C'était là un geste naturel pour elle puiqu'elle le faisait constament avec son fils, Hiro.

Moi, je trouve que pour vouloir s'envoler du lac, il faut beaucoup d'envie de vivre! je ne dis pas que c'est facile mais ça a au moins le mérite d'être essayer............Et puis moi, je crois que nous avons tous au fond de nous un peu de l'âme d'un ange qui cherche à s'exprimer! En tout cas, j'aime le croire!

Elle resserra son étreinte et déposa un tendre et affectueux baiser sur la joue de l'adolescente, un peu à la manière d'une mère.

Kajila se demdandait si la dame n'etait pas un peu folle tout de même. Peut etre que le bébé se calmait simplement lorsque quelqu'un parlait...
Si elle aimait les enfants (tout en se defendant d'aimer qui ou quoi que ce soit bien entendu), la jeune fille ne connaissait pas grand chose aux bébés, surtout lorsqu'ils n'etaient pas encore nés.
En temps normal ce genre de remarque aurait donné de nomvreux sujets de reflexions a la jeune fille mais aujourd'hui elle etait comme anesthésiée, ou plutot comme si rien n'etait reel ou n'avait d'importance. elle avait l'etrange sensation d'être detachée de son corps et de se regarder vivre d'en haut, comme si elle n'etait pas la... ou comme si elle rêvait.

C'est pour cela qu'elle n'eut pas de mouvements de recul lorsque Satsuki la serra contre son coeur. Elle se demanda simplement pourquoi tout le monde avait envie de la serrer ces temps-ci ! Elle ne savait pas si elle aimait cela d'ailleurs. On ne lui avait jamais appris ce que ce genre de gestes signifiait. Bien sur elle sentait bien que c'etait affectueux mais sinon...elle n'avait pas de reférenciels pour comprendre et ne savait pas du tout comment répliquer.

Pareil pour la bise. Kajila se contenta de reagrder tristement et avec surprise la jeune femme.

Les anges c'est comme les dragons. Cela n'existe pas.

Elle etait tres serieuse et en même temps laissait passer beaucoup de deception. Pas tant pour les anges que pour les dragons qui etaient depuis toujours une des sources de sa joie et de sa force.
Elle montra son dessin, et posa son doigt sur le dragon mourant.

Regardez celui-ci. Il est jeune, et il y eut une époque ou il croyait aux anges, alors il a fait comme l'autre, il s'est battu. Avec sa joie, sa force, son energie et ses rêves. Il s'est battu et il a brisé la chaine.

Elle soupira.

Mais en brisant la chaine c'est lui même qu'il a brisé. En refusant les larmes il a refusé la joie, il a refusé la vie. Et maintenant il est en train de mourir car il n'a plus la force de se battre...il est plus enchainé encore que l'autre mais cette chaine est invisible...

Emue, la future mère laissa glisser une larme le long de sa joue. Elle pencha doucement la tête et la posa contre celle de la jeune fille.

J’ai beaucoup de peine pour ce pauvre petit dragon ! Mais tu sais, il n’est pas toujours nécessaire de lutter avec force pour obtenir ce que l’on désire…Connais-tu la fable du roseau et du chêne ?

Sans bouger d’un centimètre, Satsuki ressaisit la main de son interlocutrice et la posa à nouveau sur son ventre proéminent. L’enfant qui grandissait en elle avait recommencé à donner une multitude de coups de pieds.

Dis-moi, sens-tu la vie qui bat ici ? Elle a beau être enchaînée à mon corps à cet instant, je sais qu’un jour, elle se libèrera et s’épanouira pleinement dans ce monde. Mais d’ici là, c’est à moi de veiller sur elle et c’est à moi de l’aider à atteindre cette plénitude….si ton dragon avait quelqu’un pour l’épauler, il ne serait sûrement pas aussi désespéré !

Kajila regarda curieusement la jeune femme qui semblait emue par les bêtises qu'elle disait. Il ne fallait pas pourtant. Et puis le dragon mourrant...peut etre partirait il pour un monde ou il serait libre de toute facon...

Il ne faut pas, il n'existe pas vous savez, ce n'est qu'un produit de mon imagination !

Mais en fait pas tellement, elle se voyait bien dans le dragon enchainé, et elle voyait bien Hatori dans celui qui se mourrait ! Mais ce n'etaient que des images, des images d'un moment ou elle deprimait, elle savait pertinemment que demain elle irait mieux !

Oui je connais le chene arraché par le vent tandis que le souple roseau survit. Mais je n'imagine pas les dragons comme etant des animaux souples.

Satsuki repris sa main et lui fit sentir le bébé qui bougeait. Malheureusement pour la jeune femme, Kajila n'etait pas en etat de sentir quoique ce soit !

Mais la vie est en train de se debattre. Elle refuse d'être echainée. D'ailleurs ne vous fait elle pas mal de temps a autre ?

Elle soupira.

Imaginons que quelqu'un vienne aider mon dragon et lui offre la liberté, ne tombera-t-il pas de plus haut lorsque cette aide disparaitra ? Ou alors aura-t-il besoin d'aide toute sa vie ? Ne sera-t-il pas un demi-dragon s'il n'arrive pas a s'en sortir tout seul ?

Elle détourna le regard, elle ne croyait pas en une aide, elle etait seule, et elle n'avait besoin de personne.

Ne serait-il pas plus prisonnier a dependre de l'aide de quelqu'un plutot que de s'en sortir seul ? Peut etre prefere-t-il la mort a cette illusion de liberté non ?

Beaucoup de questions qui lui parraissaient sans reponses, mais Satsuki l'aidait a se sortir du brouillard en la forcant a se les poser. Et malgre le pessimisme de ses propos, elle allait mieux.

Vous pouvez garder le dessin si vous le souhaitez...pour le bébé...

Satsuki prit la feuille de papier, la plia délicatement en deux et la glissa dans une poche de son gilet.

Je te remercie pour ce précieux présent, jeune demoiselle. Je suis sure que mon bébé sera très content de la regarder quand il sera né !

Elle voyait bien que sa jeune interlocutrice était un peu perdue et un peu déprimée. Aussi elle voulut tout faire pour lui redonner le sourire. Elle se leva, alla se mettre devant la lycéenne, lui attrapa les poignets et la força à se mettre debout à son tour. Quand ce fut chose faite, elle se mit à l’entraîner plus profondément dans le parc vers une destination mystérieuse.

Après avoir parcouru plusieurs mètres, Satsuki lâcha la main de la jeune fille. Elles étaient arrivées dans un endroit très tranquille. Devant elles, s’étendait une grande pelouse bordée de cerisiers en fleurs. Les pétales voletaient dans l’air donnant l’impression qu’il neigeait. La future maman s’assit à même l’herbe et s’allongea en fermant les yeux.

Tu vois, quand je doute, il m’arrive de venir ici, de fermer les yeux et de me laisser bercer par le murmure de la nature comme un petit enfant !

Satsuki accepta le présent et curieusement, Kaj en fut soulagée. C'etait comme si elle avait confié le fardeau de ses doutes a quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'etait pas plus fort mais peut etre plus a même de les porter.
La jeune femme se leva alors et, laprenant par lamain, la forca a se lever elle aussi avant de la mener vers un coin un peu caché du parc.
C'etait vraiment magnifique, les haies cachaient un coin de verdure et des arbres bruns dont les fleurs roses a 5 pétales volaient au vent telle une neige de printemps.
La future maman s'allongea sur l'herbe et ferma les yeux mais Kaj resta immobile, un peu abasourdie.
En temps normal elle serait montée dans l'arbre le plus proche mais cette pluie de fleur l'avait soudainement fait penser a son Hatori qui voulait tant ressembler a de la neige et qui pourtant etait aussi fragile et sympbole d'espoir (enfin pourelle) que les fleurs qu'elle avait sous les yeux.

Mais la jeune fille ne pouvait pas se laisser ainsi bercer par la nature. L'enfance cela faisait longtemps qu'elle avait fait une croix dessus. Tellement longtemps qu'elle avait du mal a se rappeler de ses derniers gestes d'enfants.

Je ne sais pas être une enfant. murmura-t-elle, de plus en plus perdue.

A ces mots, Satsuki rouvrit doucement les yeux. Elle se redressa difficilement et s’assit dans l’herbe. Puis elle leva le visage vers la jeune fille debout à côté d’elle. Elle la regarda longuement avec une once de tristesse au fond de ses prunelles. Elle l’attrapa par la main et l’obligea à poser ses fesses à ses côtés. Quand ce fut fait, la future maman lui dit le plus sérieusement du monde.

Etre une enfant, il n’y a rien de plus simple et de plus dur à la fois. Etre une enfant veut dire savoir s’émerveiller de tout, ne pas se remettre en question, accepter la vie comme elle vient avec ses joies et ses peines, savoir profiter du moment présent en libérant son esprit.

Elle lui sourit. Un sourire affectueux et joyeux.

Le problème étant qu’une fois adulte, les gens ont tendance à oublier cet état d’esprit et ils se laissent empoisonner l’existence par de menus détails. Je trouve que rejeter notre innocence d’enfant c’est comme se suicider doucement mais sûrement. La vie devient alors terne et sans saveur car on ne sait plus l’apprécier à sa juste valeur.

Satsuki se tut et observa sa jeune interlocutrice. Celle-ci semblait perdue dans ses pensées et elle attendit simplement que Kajila réagisse.

Kajila se laissa faire par cette drole de femme. Elle accepta de s'asseoir, ne se debattit pas lorsqu'elle lui prit la main et l'ecouta sans mot dire. Elle resta d'ailleurs silencieuse un bon moment, perdue dans ses pensées.
Mais etrangement, son esprit restait vide et les mots de Satsuki resonnaient. Elle n'arri vait pas a annalyser, a reflechir, il lui semblait que les mots touchaient directement son coeur. Même son esprit de répartie, qui pourtant lui faisait rarement defaut, ne lui soufflait rien a répondre cette fois ci.
Elle soupira et se tourna vers la jeune femme, la regardant presque pour la premiere fois.

C'est quoi votre nom vous avez dit deja ?

demanda-t-elle enfin, la gorge nouée, ne trouvant rien de plus intelligent a répondre...

Ses yeux se perdirent dans le vide. Réapprendre a être un enfant. Peut-être etait-ce cela qui leur manquait, a Hatori-sama et a elle même...elle ne savait pas depuis combien de temps elle n'avait pas agit sans penser a des possibles conséquences...