Lira bien qui lira le dernier !

Pas encore la fin du mois, et de loin, et pourtant le budget "livres" de la jeune fille etait explosé. Il faut dire qu'avec le beau temps, il y avait plein de monde dehors et que donc Kaj passait le plus clair de son temps a l'interieur, soit au lycée, soit au dojo, soit au manoir, soit chez elle, et qu'elle en profitait pour bouquiner. Elle avait bien la bibliotheque de Kazuma a son entiere disposition mais celle de Mayuko etait bien mieux achalandée.

Aussi avait elle reussi a se faufiler a l'interieur sans que son professeur ne la remarque, avait prit un bon roman de cape et d'épée du genre agréable a lire sans trop de prise de tête (elle voulait pouvoir se decrocher rapidement du livre au cas ou elle se ferait prendre), et se cacha dans un coin de la boutique, coincée entre une etagère, un mur et la rampe de l'escalier qui menait aux reserves.

Avec un sourire, elle ouvrit le livre et se mit a lire. Il etait pas mal. Bien ecrit, avec un personnage principal qui lui rappelait un peu Hatori, une histoire a la fois captivante et bourrée de clin d'oeils historiques et sociologiques.
Les pages se succedaient rapidement, il ne manquait qu'une tasse de thé et un bon coussin pour que l'adolescente se croit retournée chez elle.

Mayuko était occupée de ranger quelques livres qu’elle venait de recevoir. Il lui sembla pourtant l’espace d’un instant entendre le tintement de la clochette de l’entrée. Elle alla voir si un quelconque client avait fait son apparition. Elle passa la tête par l’encadrement de la porte de la réserve et jeta un rapide coup d’œil dans la boutique. Personne. Elle avait sûrement rêvée. Elle s’apprêtait à retourner à son occupation quand un léger grattement attira son attention. Intriguée, elle tendit l’oreille et suivit le bruit pour arriver devant une…jeune fille. Kajila en l’occurrence.

Mayuko soupira. C’était bien la dernière personne qu’elle voulait voir en ce moment. Elle avait eu sa dose d’émotions dernièrement. Entre sa rupture avec Gaeyu et son histoire débutante mais ô combien mouvementée avec Shouta, la jeune femme aspirait à un peu de tranquillité. Malheureusement, la présence de l’adolescente signifiait davantage « ennuis » que « repos ». Elle s’approcha calmement.

Bonjour jeune fille, je peux t’aider ?

Kajila, au debut, n'entendit rien. Elle etaitplongée dans un monde de samourais, d'honneur, de force et de dépassement de soi et avait predu pied avec la réalité.
Plus que la voix de Mayuko, ce fut l'atténuation soudaine de la lumiere qui ramena la jeune fille a son epoque. L'adolescente se prit a esperer que ce soit Hatori mais se doutait bien que ce n'etait pas la cas. Elle leva la tête et vit son professeur, calme pour une fois. Un sourire vint jouer sur ses levres. Elle n'avait pas le droit d'être la et le savait parfaitement. Seulement ce n'etait pas parce qu'elle etait prise qu'elle allait desarmer.
Elle regarda avec regrets sa page pour en retenir le chiffre et regarda de nouveau Mayuko.

Non, merci, Shiraki-senseï. Tout va tres bien.

Son sourire s'etira un peu plus et ses yeux brillerent d'amusement.

Par contre je vous conseille d'investir dans l'air conditionné, il fait un peu chaud ici, si je puis me permettre.

Elle voulait voir si elle arrivait a enerver son professeur. En ce moment, elle trouvait les profs etranges. Toyimi sensei semblait furieux, Fukuda heureux et Shiraki... elle ne l'avait pas encore bien observée alors elle ne savait pas trop. En tout cas il y avait l'air d'y avoir une drole d'histoire entre eux et Kaj brulait de savoir quoi. Elle avait toujours ete tres curieuse.

Mayuko la regarda l’air un peu étonnée. Décidément, son ancienne élève était fidèle à elle-même. Totalement indisciplinée, sans gêne et opportuniste à mort ! Cette constatation la fit sourire. Elle fixa la jeune fille dans les yeux et lui répondit tranquillement.

Si tu n’étais pas presque couchée sur le chauffage, tu n’aurais sûrement pas aussi chaud, jeune impertinente.

Elle lui désigna un coffrage qui dissimulait le coupable. Puis elle s’approcha davantage, se pencha doucement sur le côté et tenta de lire le titre du livre. En vain. Elle se redressa, se planta devant l’intruse et attendit tout simplement que cette dernière s’en aille. Rien ne se passa. Mayuko s’appuya à son tour contre l’étagère et sans quitter des yeux Kajila attendit encore et encore. Elle ne sut dire combien de temps dura ce petit jeu. Au bout d’un moment, elle se résigna à s’asseoir directement sur le sol tant ses pieds la faisait souffrir.

Bon, tu en as encore pour longtemps ? J’espère au moins que tu vas l’acheter ?

Ah oui, le chauffage. Elle ne l'avait pas vu celui-la.
L'adolescente sourit de plus belle.

Il faut vraiment que vous ayez de l'argent a perdre pour mettre le chauffage en plein mois de mai !

Et sans attendre, elle repris sa lecture, sentant tout de même le regard de Shiraki mais n'y pretant pas attention. Elle voulait voir jusqu'ou s'etendait pas patience (pourtant pas légendaire) de son professeur. Mayuko la regarda un moment, puis s'appuya contre une étagere....et enfin s'assit en tailleur devant elle.
Kajila ferma alors le livre qu'elle avait terminé, et regarda Mayuko avec un sourire.

Non, j'ai fini. Il est pas mal mais j'ai lu mieux. en même temps il n'est pas facile de lire avec quelqu'un qui vous regarde. Vous n'aviez rien de mieux a faire ?

Mayuko esquissa un petit sourire à la réflexion de la jeune fille. Cela faisait un mois déjà qu’elle ne cessait de dire à sa mère qu’il n’était plus nécessaire de laisser ce maudit chauffage allumé mais la vieille femme n’en faisait qu’à sa tête. Dans un sens, elle était contente que Kajila lui ait fait la remarque. Elle pourrait s’en servir pour faire fléchir sa mère. Elle était perdue dans ses pensées lorsque le bruit sec du livre la ramena à la réalité. Elle cligna des yeux et se redressa en prenant appui sur l’étagère derrière elle. Une fois debout, elle prit le livre des mains de son élève, le remit en place et retourna derrière son comptoir. Là, elle sortit un cahier plutôt usager où elle inscrivit le nom de Kajila et le titre du livre que l’adolescente venait de lire à son insu.

Si tu crois être la première qui me fit le coup de lire un livre sans l’acheter, tu te trompes lourdement, gamine !

Elle reposa son crayon et rangea le cahier avant que cette dernière n’ait le temps de jeter un coup d’œil. On ne sait jamais. Mieux valait être prudent avec ces bestioles là ! Puis, elle contourna le meuble et s’arrêta devant Kajila. Elle croisa les bras et la fixa dans les yeux.

Et à présent Seryu-san ?

Kajila se vit prendre le livre des mains et se demanda ce que Mayuko pouvait bien ecrire dans ce cahier. Elle haussa les epaules. Legalement si elle voulait la poursuivre elle n'avait aucune preuve c'etait sa parole contre la sienne. Aussi ne se faisait elle pas de soucis. Elle avait l'habitude de frequenter les librairies pour y bouquiner. La bibliotheque etait bien trop mal achalandée !

Ni la premiere ni la derniere. De meme que c'est ni la premiere, ni la derniere fois que je le ferais. Les livres coutent vraiment trop cher, c'est une honte que de reserver la culture a un poignée de gens riche tandis que les plus demunis ne peuvent faute d'argent avoir acces a toute la sagesse contenue dans ces pages.

Kaj haussa les epaules. Elle pensait vraiment ce qu'elle disait mais l'avait debité d'une voix calme, plate, presque indifferente. Elle savait qu'il y avait les revenus de ses parents dans son dossier scolaire, et comme elle n'avait pas dit qu'elle ne vivait plus avec eux, elle etait tenue pour "gosse de riche" par tout ceux qui s'etaient renseignés sur elle. Elle n'en avait pas honte. Elle etait une gosse de riche, et elle vivait dans le quartier pauvre. Elle s'acceptait avec toute ses contradictions et defiait bien les autres de la critiquer !
Son regard revint sur Mayuko.

Comment un prof peut il etre libraire ? Le but d'un prof n'est il pas justement de dispenser egalement la culture à tous ? Tandis que le libraire vend cette meme culture, ce n'est pas logique comme démarche, vous n'avez pas l'impression de vous contredire la ?

Puisque Mayuko semblait d'humeur calme, Kajila voulait en profiter pour la sonder, savoir quelles etaient ses valeurs, a quel point elle etait capable d'introspection et surtout pourquoi elle etait aussi etrange.

Mayuko la regarda sans mot dire. Elle ressentait un sentiment confus à l’égard de la jeune fille. Elle oscillait entre un étonnement pour sa clairvoyance sur la culture et une indulgence presque maternelle pour son emportement sur le sujet. Elle plissa les paupières, esquisse un léger sourire et répondit simplement.

Mon boulot de prof, c’est par choix, celui de libraire par nécessité. Mes parent se font plus tout jeunes et ils ont besoin d’aide !...c’est somme toute compréhensible, non ?

Elle regarda Kajila un peu pensive et reprit.

D’ailleurs si je ne m’abuse, votre comportement est tout aussi répréhensible jeune demoiselle ! Si je me souviens bien de votre cas, vous n’êtes pas particulièrement dans le besoin ? Vous pouvez bien vous achetez un livre si cela vous chante ? Alors dites-moi donc pourquoi vous venez squatter mon enseigne dans ce cas ? Par ennui ? Par caprice de gosse de riche ? Par provocation envers moi ? Je serai curieuse d’en connaître la raison !

Elle croisa les bras, fixa son élève dans les yeux et attendit voir ce qu’aller lui sortir cette effrontée.

Compréhensible ? Non pas vraiment pour Kajila. Lorsqu'on avait la chance d'avoir une famille a peu pret potable on pouvait partager autre chose que du travail non ? Enfin si quelqu'un de "normal" affirmait que c'etait "normal" cela devait l'être aussi fit elle bien attention a ne pas montrer son sceptisisme.
Elle haussa tout de même les epaules. Cette réponse ne la satisfaisait pas du tout ! Mais malgre toute son envie de rester impenétrable, Kajila ne put plus longtemps contenir ses emotions. A la notion de la richesse de sa famille, un forte colere passa sur ses traits, immédiatement suivie d'une profonde tristesse, chassée tout aussi rapidement par une grande ironie.

Elle mit les mains dans ses poches et la regarda les yeux brillant de sarcasme.

Non, je le fais par principe. Ce n'est pas parce que je suis d'un milieu aisé que je ne pense pas a ceux qui n'ont pas ma chance non ?

Elle se tut un moment puis sourit.

Et puis un peu par provocation je dois bien avouer. C'est ce que l'on attends des adolescents en général, une rebellion contre l'autorité et l'image parentale...

Elle sortit les mains de ses poches et croisa les bras, imitant la posture du professeur.

Puisqu'on en est aux questions indiscretes...comment cela se fait il que vous soyez si calme ? Les crise d'hysterie c'est reservé au lycée ? Ou alors cela a quelque chose a voir avec le comportement etrange de l'equipe pédagogique en ce moment ? Vous savez les autres ne sont pas aussi stupides que ce que vous semblez penser. Cela jase deja et sa risque d'empirer si personne ne fait rien.

Elle decroisa les bras et les passa derriere son dos, soudain tres serieuse.

Et je ne vais pas pouvoir contenir sa tres longtemps.

Les bras toujours croisés, Mayuko continuait à regarder Kajila avec un regard mitigé. La dernière phrase de la jeune fille l’intriguait. Que voulait-elle dire ? Tout le monde était au courant de quoi ? D’elle et Shouta ? De sa rupture avec Gaeyu ? Ou autre choses dont elle n’était pas au courant ? Difficile de faire la part des choses avec une élève comme Kajila. Le regard du professeur se durcit sensiblement et son visage se ferma face à cette intrusion dans son intimité. Cependant, elle préféra jouer la carte de l’ignorance afin de savoir exactement de quoi il en résultait.

Bien. Je suis contente pour toi. Mais ce serait encore mieux si je savais de quoi tu parles, jeune fille !

Elle s’était rapprochée et se tenait à présent à quelques centimètres à peine de l’adolescente. Elle avait quitté son rôle de libraire pour endosser à nouveau celui de professeur. Intérieurement, elle maudit Kajila de l’obliger à faire des heures supplémentaires. Mais son intégrité d’enseignante était en jeu et il était hors de question d’ignorer cela. Que ce soit une menace réelle ou pas ! Il en allait de son honneur !

Kajila savait qu'elle aurait mieux fait de ne pas répondre. Le visage fermé et l'attitude du professeur montrait bien que celle ci ne plaisantait pas mais elle ne put s'en empecher.
Ses yeux fiers qui repondait insolement au yeux dur de Mayuko se mirent a petiller de malice, son sourire ironique s'accentua, son visage s'eclaircit encore d'avantage.

Si vous ecoutiez vos eleves au lieu de leur ordonner de se taire, vous sauriez peut-être de quoi je parle.

Kajila savait parfaitement qu'il etait plus que dangereux de repondre ainsi a un professeur, surtout Mayuko mais primo c'etait sortit tout seul (on avait pas idée de tendre des perches pareilles aussi !) et secundo elle n'allait surement pas devoiler quelques secrets sans rien obtenir en echange. C'etait une info pour une info ! Rien de moins !

Les rumeurs qui couraient etaient nombreuse et la jeune fille etait curieuse de demeler le vrai du faux, si Mayuko ne voulait pas se montrer cooperative, elle allait devoir trouver une autre solution...

C'esty pourquoi derriere son air detendu l'esprit de la jeune femme travaillait a toute allure.

Mayuko commençait à sentir la moutarde lui monter au nez. Comment cette insolente avait-elle le culot de venir l’insulter sous son toit ? Elle ne comptait pas en rester là ! Elle s’approcha encore plus près de son élève, la saisit un peu fermement par le bras et commença à l’entraîner vers la sortie.

Si c’est tout ce dont tu voulais me parler, la sortie est par ici ! Je ne tolèrerai pas plus longtemps que tu critiques ma manière d’enseigner sous mon propre toit.

Elles arrivèrent devant la sortie et la jeune femme relâcha son étreinte. D’un geste décidé, elle ouvrit la porte et poussa sans ménagement Kajila dehors en ajoutant.

Quant à tes histoires de lycéenne, ne n’en ai que faire. Tu peux garder ton pseudo chantage pour quelqu’un d’autre, ça ne prend pas avec moi ! Au revoir, jeune fille et à demain en cours. J’aurais une surprise pour toi !