Pensées

Contrairement à ce que Mayuko croyait, Gae ne la detestait pas du tout. Il ne la considérait pas comme responsable de son acte. Lui seul avait agit ainsi et il ne savait pas pourquoi. Biensur, il ne pouvait assurer sans mentir que sa rupture avec l'enseignante n'y était pour rien mais ce n'était pas tout.

Marchant dans les rues de la ville, quelques jours après son entrevue avec Hatori, le jeune homme essayait de faire le point avec ses pensées. De faire abstraction de ses sentiments et de rester rationnel. C'était difficile.
Ses pas le conduirent jusqu'au petit temple de la ville. Les stèles propres, les bruleurs d'encents et les arbres centenaire invitaient au calme. Bien qu'il soit plus traditionnaliste que pratiquant, l'enseignant entra parmi les tombes et s'assit finalement sur un banc.

Seul un élément manquait ici pour que l'équilibre soit parfait. On y voyait la terre, l'air, le feu...peut-être l'eau etait elle inscrite dans les larmes de ceux qui venaient pleurer ici ?

Il secoua la tête. Voila d'étranges pensées assez loin de ses préoccupations habituelles !
Le regard froid et noir du jeune homme se perdit dans les allées de pierre tandis que son esprit vagabondait au rythme de son coeur.

[HJ ouvert à tous]

Contre un arbre, non loin du banc de Gaeyu se trouvait Shouta Fukuda. Mais pour le moment, aucuns des deux hommes n’avaient remarqué la présence de l’autre, et demeuraient pensifs.
Shouta était adossé contre un vieux chêne depuis près de deux heures, et n’arrivait pas à trouver un semblant de calme. Il avait pensé à tort que le silence du cimetière l’apaiserait, mais les mêmes images défilaient dans sa tête sans qu’il puisse les ignorer.
L’incident de la veille restait bien ancré dans son esprit, et l’homme n’arrivait plus à s’en défaire.
Raya était au courant, au courant de tout. Il avait prit le risque de tout lui dévoiler, acte qu’il avait à présent du mal à assumer. Que diable lui était donc bien passé par la tête ce soir là !? Il n’avait certes pas trouvé beaucoup d’autres alternatives, mais celle ci était de loin la plus dangereuse pour lui. Il n’avait aucune idée de jusqu’ou pourrait aller cette folle de Raya et il fallait l’avouer, Shouta avait un peu peur.

Il soupira pour la énième fois depuis son arrivée, et lança de nouveau au loin un mégot de cigarette. Il ne les comptait plus à présent, et n’avait d’ailleurs aucune conscience de quelle heure il était, et depuis combien de temps était il là à se morfondre. Mais il fallait se reprendre, d’autant plus que l’enseignant commençait à avoir une faim de loup !

Il se leva d’un coup, avant de frotter ses muscles endoloris d’être trop restés dans la même position . Puis les mains dans les poches, il s’éloigna lentement. Il croisa sur le chemin une vieille dame qui lui adressa un maigre sourire, les yeux humides d’avoir trop pleuré. Le croyait apparemment qu’il était venu faire le deuil d’un propre parent, tout de noir habillé qu’il était. Il n’y fit pas attention, remarquant à peine qu’il n’était pas seul.

Puis il remarqua la présence de Gaeyu sur un banc. En fait, c’était d’ailleurs le banc se trouvant à sa droite, a à peine un mètre de lui. Comment avait il fait pour ne pas le remarquer ? Shouta le fixa quelques secondes ne semblant pas comprendre. Puis il eut un large sourire. Voilà ce qu’il lui fallait ! Un peu de distraction ! Il s’écria avant de s’asseoir :

« Oh, mais c’est ce cher Gaeyu ! Alors comment ça va depuis la dernière fois ! »

Les problème Raya était bien loin à présent et c’était tout ce que souhaitait l’homme. Il remarque alors les traits tirés du professeur de japonais, et son teint légèrement plus blafard qu’en temps normal. Il ne manqua d’ailleurs pas de lui faire remarquer :

« Hey mais ça a pas l’air d’aller, on serait tombé malade ? C’est qu’on t’a pas vu ces derniers temps hein !? »

Il n'y avait qu'une chose de totalement claire dans l'esprit du professeur, et c'était que la derniere personne qu'il souhaitait croiser venait de s'asseoir à ses cotés en débitant des sornettes toutes plus hypocrites les unes que les autres.

J'ignorais que quelque chose d'aussi sacré qu'un temple puisse vous interesser, Fukuda-senseï mais ce que je sais c'est que ma santé vous est totalement indiférrente. De même que la votre ne m'interresse pas.

Il n'avait pas même tourné la tête vers son interlocuteur. Sa voix etait comme toujours froide posée, directe et sans sentiments superflus. En fait, au fond de lui, Gae était en colere contre lui-même. Il se sentait frémir rien qu'à entendre la voix de shouta alors qu'il s'etait promis de ne pas s'en soucier !

Il faut dire que même sans Mayuko, l'enseignant detestait son collègue. Comment un type pareil, paresseux, dragueur, fumeur, partial, négligeant et autre pouvait avoir le droit de s'approcher de ses élèves ? Quel exemple pouvait il leur donner ? Comment pouvait on penser une seule seconde que des enfants avaient besoin de "ca" pour démarrer dans la vie ? !!

Pourquoi prenez vous toujours un malin plaisir à vous moquer ? Ne pouvez-vous pas simplement me laisser en paix ?

Shouta eut un large sourire tandis que son collègue affichait une mine sombre, bien qu’il ne porta aucun regard au rapace. Il paraissait contrarié, et rien ne pouvait faire autant plaisir à l’homme assis près de lui. C’est qu’il avait besoin de se remonter le moral, et voir une personne dépressif (d’autant plus si il s’agissait de Gae !) lui mettait le cœur en fête. Il allait enfin pouvoir oublier ses problèmes et s’adonner à son occupation principale : persécuter les autres . Bon, il fallait avouer qu’il n’était pas en très grande forme, mais avec un peu de volonté il arriverait surement à filer un bon coup de cafard à son collègue, d’autant plus que ce dernier avait plutôt l’air patraque.
Shouta avait la nette impression que à chaque fois qu’il rencontrait l’homme, c’était aux moments ou ce dernier se trouvait le plus mal. A croire que c’était un dépressif !

« Oh pas la peine de t’emporter, je me contente juste de faire les habituelles civilités, et tout ce que je trouve en retour c’est de l’impolitesse ! Moi qui voulais me faire pardonner de t’ avoir fait passé quelques semaines à l’hôpital ! »

Son sourire s’étira d’avantage, signe qu’il ne regrettait absolument pas sa précédente attitude. Il ne s’avait pas exactement ce que l’enseignant avait fait, mais l’imaginait facilement…vu l’état ou il l’avait laisser sur le toit…Après, savoir si c’était entièrement sa faute, il s’en fichait pas mal, tout ce qu’il voulait c’était provoquer l’homme. Et même si c’était petit de sa part, il n’avait rien trouver de mieux à faire. .. Aucune envie de réfléchir là !
Puis, Gaeyu lui posa une question. Intéressante certes, mais même en y réfléchissant bien, Shouta ne trouvait pas de réponse bien précise.

« Mmm…Difficile à dire, je suis comme ça avec tout le monde, faudrait pas croire que tu es un cas privilégié tout de même ! »

Il s’installa plus confortablement sur le banc, ce qui résumait à poser négligemment son bras sur le dossier, et à installer en long ses jambes sur une pierre proche. Puis il demanda tout en allumant une cigarette :

« Et pourquoi t’es là exactement ? T’as eu un mort dans ta famille ou quoi ? »

Aucune amabilité dans sa voix, seulement de la moquerie. Et pourtant, son sourire avait disparu, l’homme bien trop occupé à jouer avec son briquet. Il laissa un silence passer, n’attendant aucune réponse, il n’en avait pas besoin une autre idée lui passait par la tête. Il demanda d’une voix plate :

« Tu vois toujours Mayuko ? »

Voila qu'il se faisait à présent taxer d'incivilité par cet homme. Bon, il l'avait mérité mais tout de même, avoir ainsi donné prise à la critique l'enervait. Pourquoi perdait-il toujours ses capacités face à cet imbécile ?

Inutile de vous sentir coupable, mentit le jeune homme avec difficulté, vous n'y êtes pour rien. Je suis simplement malade.

Il ne releva même pas ses explications vaseuse. Il était peut-être ainsi avec tout le monde mais l'enseignant santait bien que l'animosité qu'il ressentait était réciproque. Cela allait plus loin que de la simple jalousie. Oui bien plus loin.

Cette idée tournait dans sa tête comme s'il cherchait a s'en convaincre. Et si apres tout il n'y avait que de la jalousie ? Et si...
Non ne pas y penser;

Oui, moi.

Il ne se rendit pas tout de suite compte qu'il venait de dire la stricte véritée. Il était ici parce qu'il avait failli mourir. Un besoin de faire le point. Il y aurait un avant et un après, il le savait. Il voulait changer, ne plus ressentir cette detresse en lui, cette tension qui l'avait comme obligé a commettre ce geste.

Il regarda curieusement Shouta. Non, il ne voulait pas se laisser abattre a nouveau par cet homme. Il allait...

Il allait se lever lorsqu'il fut interrompu dans son geste par la derniere question de Shouta...
Il se rassit.

Pas tellement non. On est un peu en froid ces derniers temps. Et vous ? J'croyais que vous etiez ensemble non ?

Non...il n'était pas jaloux, pas du tout, jamais !

Tout en tirant quelques bouffés de tabac, Shouta jeta un regard en coin à son collègue. Sa maigre tentative pour se justifier n’était pas très plausible mais le rapace ne lui fit pas remarquer. En fait, Shouta était totalement ailleurs, tout du moins durant un lapse de temps indéfini. Il avait en effet du mal à se concentrer ces derniers temps. Il en connaissait bien sur les raisons, mais n’osait pas trop y penser.
Dire que même Gaeyu n’arrivait plus à le distraire ! Alors là il y avait vraiment de quoi se faire du soucis !

Pourtant il sortit de sa torpeur à la réponse pour la moins étrange de Gaeyu. Que voulait il dire ? Pour un cerveau aussi lent et embrumé que celui de Shouta, ce genre de phrase ne valait pas vraiment la peine de se pencher dessus.
Ne souhaitant pas risquer de se ridiculiser en répondant n’importe quoi, Shouta choisit la carte du silence et se contenta d’envoyer un mince filée de fumée en direction de l’enseignant.
Il fallait l’avouer, il était un peu à court d’idées, aucune réplique cinglante ne lui venait à l’esprit.

D’ailleurs, Gaeyu avait apparemment remarqué son manque d’initiatives car il tentait déjà de fuir. Pourtant, le sujet Mayuko avait éveillé la curiosité de l’homme. Ou en tout cas c’était l’interprétation qu’en avait fait le rapace.
Il demeura pensif à la dernière question de Gaeyu. Il se demanda pendant un instant si cela valait le coup de lui dire la vérité, ou si il valait mieux inventer un gros mensonge, histoire qu’il culpabilise encore d’avantage.

« En fait … il se trouve que nous ne voyons pas notre couple sous le même angle…enfin bon à présent cela n’a plus aucune importance. J’ai préféré arrêter, ça devenait légèrement ennuyeux. »

Il ajouta, un petit sourire mesquin aux lèvres :

« Toi par contre ça ne m’étonnerais pas que tu penses encore à elle. En même temps je me demande bien qu’est-ce que tu attends, tu es tout à fait son style : ennuyeux et prêt à obéir à ses moindres caprices ! »

Le coeur de l'enseignant bondit dans sa poitrine. Ainsi, Mayuko était libre de ce rapace à présent ? Il n'y avait pas grand chose qui ai pu lui faire plus paisir. Une fois débarrassée de ce junkie, elle pouvait envisager une vie simple et heureuse. En esperant qu'elle nesoit pas allée trop loin dans la voie de la perdition...et qu'elle ne se drogue pas.
Gaeyu ouvrit a bouche pour poser une question à son ennemi, inconscient de la joie qui eclairait soudain ses traits fatigués; Mais avant qu'il n'ai pu dire quoique ce soit, Shouta l'accusa d'être toujours amoureux.

Répugnant à mentir mais incapable d'avouer que c'etait le cas, il secoua lentement la tête.

"Je vais demander ma mutation, changer de lycée et presque de ville. C'est mieux."

Sa voix était toujours aussi froide et posée mais ses yeux noir se teintèrent de tristesse. Quitter ses élèves, les laisser entre les mains d'enseignants comme Raya ou son demi-frère lui était presque aussi difficile que de quitter Mayu, ses habitudees, le quartier ou il était né et avait grandit...Se reprenant soudain, il fronca les sourcils et se leva.

"En tout cas, je ne vois pas en quoi tout cela vous regarde, bonsoir."

Et là dessus, il s'engagea vers l'allée qui menait à la sortie du temple.

Shouta n'écoutait deja plus. Un élégant oiseau s'était posé sur une stale proche, et sa beauté le plongeait dans une observation munitieuse. Puis il fallait avouer que Gae avait ce petit quelque chose qui avait don de l'exaspérer au plus haut point, à commençer par sa façon de s'appitoyer sur son sort.
Ce dernier lui annonçait d'ailleurs qu'il allait changer de ville, changer de poste, enfin la totale quoi!

Il laissa échapper un "Mm mm" peu convaincu, avant de retourner à sa contemplation, un regard étrangement vitreux.

Son collègue quant à lui optait pour un repli stratègique, et Shouta ne fit aucun geste pour le retenir. Il n'était pas très en forme ces temps ci et courrir après Gaeyu n'était pas vraiment ce qui pouvait l'amuser.

"Ouais, c'est vrai. Mais j'ai toujours été curieux....de toute façon on se reverra surement avant ton départ mon grand!"

Il fit un sourire narquois à l'enseignant qui commençait deja à s'éloigner. Y'avait pas à dire, Gae était vraiment qu'un froussard!

Le rapace resta encore une heure sur son banc, et chose étrange, il était parfaitement serain. Comme quoi, les cimetières arrivaient à lui faire retrouver une certaine quiétude.