Règlement de compte

Depuis son petit passage à vide, Mayuko avait les idées un peu plus claires mais pas assez pour prendre du recul face à tous les derniers évènements. Aussi, une fois n’est pas coutume heureusement, elle se décida à contre cœur à aller demander son avis à Shiguré Soma. Eh oui ! Elle avait beau le trouver prétentieux, sans gêne et particulièrement odieux, il n’en restait pas moins quelqu’un qui, s’en le vouloir, pouvait se révéler de bons conseils.

De bons conseils ?

Murmura-t-elle à voix basse. Elle secoua la tête pour chasser ses paroles. Nan mais et puis quoi encore ! Elle tourna les talons, fit quelques pas, s’arrêta et finalement rebroussa chemin. Ce petit manège se répéta plusieurs fois avant qu’elle ne finisse par arriver, dieu sait comment, devant la porte de chez le Soma. Presque machinalement, elle leva la main e toqua à la porte. Elle ne dut pas attendre très longtemps que déjà une personne venait lui ouvrir. Ce fut une Mayuko aux traits tirés et aux cernes sous les yeux qui fit face au maître des lieux.

Bonjour Shiguré.

Dit-elle d’une voix pas très assurée.

Shigure avait passé la journée à regarder par la fenetre de son cabinet de travail. Il avait donc vu les différentes approches et hésitation de l'enseignante. Un sourire au lèvres (il trouvait cela tres drole surtout qu'elle lui avait interdit de l'approcher) il finit par se lever et aller lui ouvrir. Sans prendre la peine de paraitre surprit, il s'effaca pour la laisser entrer.

Tiens donc, Mayuko-kun. Entre je t'en prie. Je crois que Tohru-kun à acheté des patisseries au haricots comme tu les aimes pour aller avec le thé. Comment vas tu ?

Il la laissa enlever ses chaussures et changea de visage pour prendre celui du "pauvre petit chien battu et abandonné"

Moi, je n'osais plus aller te voir ces jours-ci. Pourtant tu m'as manquée, comment as-tu pu être aussi cruelle ?

Il pleura quelques seconde puis alla chercher les gateaux et le thé qu'il posa tranquillement sur la table, en retrouvant son serieux.

Les enfants sont sortit et ne rentreront pas avant plusieurs heures aussi nous sommes tranquille. Que veux tu ?

Au fond de lui, Shigure savait plus ou moins pourquoi elle venait. Son attitude parlait pour elle. Mais elle etait trop fiere et il avait décidé de la laisser mariner un peu. Il se savait de bon conseil, son extreme sensibilité (dont il se servait pour ses livres et pour manipuler autruit) lui dictant souvent le bon comportement mais ilmettait un point d'honneur à ne pas le suivre ! Et puis elle l'avait traité de tous les noms, il allait donc s'amuser un peu avant de lui répondre. c'est qu'il s'ennuyait tant ces derniers jours !

Sans dire un mot, elle entra dans le hall et commença à se déchausser. Malheureusement, le calme ne dura pas et Shiguré prit alors cet air que la jeune femme lui connaissait que trop bien. La discussion s’annonçait houleuse une fois de plus. Elle poussa un soupir résigné. Pendant que le chien s’activait à jouer les maîtresses de maison, Mayuko avait fait quelques pas dans l’entrée et était restée debout dans l’encadrement de la porte. Elle se doutait bien que si elle acceptait l’invitation elle allait sûrement s’éterniser, or, ce n’était pas dans ses intentions ! Lentement, elle croisa les bras sur sa poitrine, soupira une fois de plus face aux pseudo jérémiades de Shiguré et répondit d’un ton las.

Et toi ? Comment as-tu pu me faire des choses pareilles ? Mais bon, je ne suis pas venue ici pour parler de ça !

Toujours appuyée contre le chambranle, elle baissa les yeux et se mit à fixer le bout de ses pieds. Elle hésitait encore et se demandait si c’était là la bonne solution. Elle se doutait bien qu’il ne perdrait pas une occasion de se moquer d’elle et qu’elle risquait d’entendre parler de cette histoire pour les années à venir ! Sourcils froncés, Mayuko était en plein dilemme.

Avant toute chose, promet-moi de ne pas te moquer ! Je suis très sérieuse Shiguré. Si tu rigoles, je te …tue !

Elle attendit la réponse.

Alors ?

Shgure releva les yeux et sourit. Si Mayuko etait venue jusqu'ici c'est qu'elle avait besoin de lui. Et donc il pouvait en profiter. Il ne répondit donc pas tout de suite à ses accusations, ammenant les gateaux et le thé sur la table. Puis il s'assit devant, se servit une tasse et ouvrit son journal comme si Mayuko n'etait pas la. Il laissa passer une ou deux minutes puis lanca joyeusement mais le visage impénétrable.

Je veux bien te promettre de ne pas rire mais je ne parle pas debout dans le couloir.

Il replia son journal d'un air paternel et sa voix se fit plus douce, presque compatissante alors que ses yeux continuaient à briller d'amusement.

Pour quoi es-tu venue alors ? Tu sais que si je peux t'aider je le ferais. En souvenir du bon vieux temps tout sa !

Il n'avait pas pu s'en empecher. Il avait beau de ne rien ressentir de spécial pour la jeune femme (et encore, c'etait faux, il l'aimait bien au fond), il ne pouvait s'empecher de lui rappeler l'epoque ou ils...Hum..."sortaient" ensemble; même si c'etait plus des moments ou ils lisaient l'un à coté de l'autre qu'une vraie romance...ils etaient jeunes à l'époque !

Bras croisé en regardant toujours ses pieds, Mayuko n’avait pas bougé d’un pouce pendant l’intervention de Shiguré. Elle n’avait même pas desserré les dents ! En fait, elle hésitait encore à lui parler de ses problèmes (bien qu’elle ne douta pas un instant qu’il fusse au courant) et à lui demander conseil. Finalement elle soupira et lâcha.

Assieds-toi si ça te chante, moi, je ne compte pas bouger d’où je suis !

Lentement, elle releva la tête et la tourna en direction du jeune homme. Le temps avait beau passer et certains évènements avoir eu lieu, force était de reconnaître que Shiguré Soma ne manquait pas de charme. Non, en fait, pensa Mayuko, il lui manquait juste un cerveau !

Dis-moi, Hatori a-t-il quelqu’un dans sa vie ? Par quelqu’un, j’entends « est-il amoureux ou sort-il avec une femme ? ».

Elle plongea son regard dans celui de son interlocuteur. Elle voulait être sure qu’il serait sincère et qu’il n’essayerait pas une fois de plus de la berner !

Réfléchis bien à ce que tu vas me répondre car cela risque d’avoir une grande influence sur mes actes futurs !

Shigure eut bien du mal à tenir sa promesse. Il trouvait Mayuko simplement pathétique. Venir le voir , lui, alors qu'elle disait le detester pour lui demander tout à fait sérieusement si Hatori avait une copine parce qu'elle avait besoin... besoin ! de le savoir pour diriger sa vie etait... et bien pathétique il n'y avait pas d'autre mots.

Mais pendant qu'il se mordait les levres pour ne pas eclater en un rire moqueur, le jeune homme reflechissait. Alors comme ca, Mayuko se posait elle-aussi des questions ?!
Soudain tres serieux, il releva la tête vers Mayuko et l'invita une nouvelle fois à s'asseoir, du geste.
Sachant qu'elle n'en ferait rien, il n'attendit pas et prit la parole, pour la premiere fois réellement sérieux.

Hatori est mon meilleur ami. Tu crois que s'il m'avait confié quelque chose je te le dirais ?

Il haussa les epaules et prit un ton geignard

De toute facon, Hatori il me dit jamais rien, il dit qu'il est mon ami mais en fait il se moque de moi ! Il n'a pas confiance en moi.

Il sourit alors d'un air entendu, bien décidé a en tirer le plus possible avant d'aider Mayu (et oui parce qu'au fond, si elle acceptait de jouer le jeu, il était pret à l'aider !)

Ce qui est une chance pour toi parce que cela me permet de partager mes infos.

Un silence

Dit moi ce que tu as compris et je te dirais ce que j'en pense, avec des ptits bonus à chaque fois.

Mayuko soupira. A quoi d’autre pouvait-elle bien s’attendre de la part de Shiguré ? Un tantinet résignée, elle s’apprêtait à lui répondre lorsqu’il commença à lui faire son numéro de chien battu. S’il était une chose qui l’énervait, c’était bien cela. Une veine se mit à battre sur la tempe de la jeune femme. Elle s’avança vers son interlocuteur les bras croisés et là…elle lui assainit une violente claque sur le haut du crâne !

Nan mais ne t’as pas bientôt fini tes simagrées ? Tu devrais savoir depuis le temps, que ça prend pas avec moi ! Comment veux-tu que l’on te fasse confiance si tu n’es pas sérieux plus de deux secondes en suivant ?

A présent, elle se tenait debout devant lui les poings sur les hanches. La colère lui avait fait froncer les sourcils et ses prunelles lançaient des éclairs. Elle était à deux doigts de perdre le contrôle quand elle se rappela le motif de sa visite. Presque instantanément, elle se calma et devint pensive.

Je n’ai rien compris justement mais…certaines de ses réactions m’ont parues bizarres.

Elle se tut et regarda Shiguré pour être sure qu’elle avait toute son attention.

C’était une conversation téléphonique mais par moment, j’avais comme l’impression qu’il hésitait dans ses réponses. Il semblait mal à l’aise, comme pris au dépourvu. Cela lui ressemble tellement peu ! alors dis-moi, qu’est-ce qui ce passe ?

Shigure adorait enerver son monde, surtout Mayuko qui s'enervait particulierement facilement. Il ne pouvait pas lui dire que ses "simagrées" avaient plusieurs buts bien précis comme par exemple faire passer des informations sur ses sentiments reels, ou enerver l'interlocuteur et en tirer plus d'info, ou encore d'autres buts plus ou moins évidents. Il était hors de question pour lui d'arrêter ce genre de cirque. Mais il décida de ne pas ledire a Mayu et se contenta de lui offrir un joli sourire amusé. Il en oublia mêmede pleurer pour la claque, c'est dire !!

La suite fut par contre tres interesante. Mayuko n'etait pas aussi bête qu'elle en donnaitl'air et avait un bon instinct. Si elle sentait quelque chose d'etrange chez Hatori, il fallait le prendre au sérieux, d'autant plus que cela rejoignait ses propres soupsons.

"Je vais être honnete avec toi May-chan, Hatori, il n'est pas net en ce moment. Il me supporte plus, j'ai toujours l'impression de le déranger ou de le mettre en colere."

Il avait prit un ton triste assez crédible.

"Et puis il y a cette fille..."

Il porta soudainement ses mains a sa bouche d'un air horrifié, comme s'il en avait trop dit reprit son journal et fit semblant de se plonger dedans en attendant de voir si le poisson mordrait a l'hamecon.

La mimique de Shiguré était tellement flagrante que Mayuko dut se retenir de lui flanquer une nouvelle claque. La prenait-il pour une dinde à ce point ? Mais finalement, elle renonça, préférant se concentrer sur…

Une fille ? Quelle fille ?

Elle se rendait bien compte qu’elle faisait le jeu du chien mais comment faire autrement. Et puis, il semblait tellement désireux de lui révéler cette information qu’elle n’allait sûrement pas lui demander de se taire pour une fois ! Tout juste ajouta-t-elle en haussant les épaules :

De toutes manières, Hatori a toujours eu du mal à te supporter. En fait, tout le monde a du mal à te supporter !...Bon tu craches le morceau où je dois venir te l’arracher moi-même ?

Elle se laissa tomber à côté de Shiguré. Finalement, il venait une nouvelle fois de gagner. Elle venait de s’asseoir alors qu’elle avait décidé de ne pas quitter l’entrée. Pire, il avait réussi à la faire entrer dans son jeu et elle en était parfaitement consciente ! En temps normal, elle aurait piquée une colère mais là, les enjeux étaient bien trop importants ! Il y avait Gae et il y avait Hari-kun. La jeune femme se troubla et leva vers son interlocuteur un regard ému tandis qu’elle lui redemandait :

S’il te plait, qui est cette fille ?

Il avait gagné. Elle avait mordu a l'hamecon tout en sachant très bien qu'il l'avait fait expres. Rien n'amusais plus le chien que de montrer à ses victimes qu'il y avait un piege mais en ne leur laissant aucune chance de ne pas se jeter elle-même dedans. Il avait gagné, encore.
Toute sa bonne humeur s'évanoui. C'etait beaucoup trop facile ces derniers temps, et il s'ennuyait.
Il laissa passer un silence triste, décu, et assez long. Il avait presque oublié la question lorsque Mayuko la lui rappela d'une voix troublée. Il devint alors réellement sérieux. Il se savait tès sensible et, même s'il le cachait, le malheur d'autrui ne lui était pas indifférent. Surtout qu'il aimait bien Mayu, au fond.

"Je suis désolé Mayu-chan. J'aurais aimé avoir de meilleures nouvelles mais bien qu'il affirme qu'il n'en est rien, bien qu'il le renie et refuse même d'y penser, je crois qu'Hatori est amoureux, et j'ai peur que ce ne soit pas de toi, même si je ne suis pas sure de qui il s'agit."

Il fit un sourire triste et plongea ses grands yeux sombre dans ceux de la libraire.

"Il est beaucoup avec une lycéenne ces derniers temps. Je sais que cela parait dur à avaler vu que c'est plutot mon genre à moi de fréquenter des filles plus jeunes mais je suis quasiment certain qu'il y a anguille sous roche entre ces deux là."

Tout d'un coup, le sérieux du chien s'évanoui. Il éclata en faux sanglots particulièrement bruyants tandis qu'un large sourire se dessina sur son visage.

"Tu te rends compte, il est en train de me voler mon rôle ! Lui que je considérait comme un frère !"

Il leva le poing vers le ciel

"Mais je me vengerais Hatori, mon titre ne sera pas si facile à obtenir, je resterais e plus pervers des douze !"

L’air déjà pas bien reluisant de Mayuko s’assombrit encore un peu plus lorsque Shiguré lui apprit qu’il s’agissait d’une gamine. Elle avait beaucoup de mal à imaginer son cher Hari-kun en lolicon. Elle avait beau tourner et retourner l’information dans tous les sens, elle ne savait vraiment pas comment réagir. Heureusement (ou malheureusement ^^) Shiguré la sauva de sa tourmente en pétant une nouvelle fois un câble. Et comme à son habitude, Mayuko ne put s’empêcher de sentir la moutarde lui monter au nez. Elle leva la main en l’air et asséna au chien une formidable baffe dont elle seule avait le secret !

Nan, mais t’as pas bientôt fini tes simagrées ! Et puis d’abord, je ne crois pas un mot de ton histoire. C’est sûrement une de tes inventions pour faire tourner les gens en bourrique. Je sais bien qu’Hatori ne peut pas être comme tu dis. C’est tout bonnement impossible !

Elle se leva brusquement, une veine battant sur sa tempe. D’un pas énergique, elle se dirigea vers le hall. Elle en avait assez entendu pour la journée et ne désirait pas continuer à écouter les salades de Shiguré. Elle se tourna une dernière fois vers lui.

Comment ai-je pu pensé un seul instant que tu pouvais m’aider à y voir clair. Décidément, tu ne changeras jamais !