Réanimation

Les secours etaient arrivés, et avaient emmené le professeur vers l'hopital. Loin de Mayuko, les mots qui percaient son sommeil avaient encore moins de sens. Il se laissa a nouveau entrainer dans le tourbillon. Se battre finalement, pourquoi faire ?
Mais les lumières blanches et bleus n'avaient pas décidé de le laisser en paix. Lavement, transfusion, du sang neuf et sans toxine, un estomac vide, de l'adrénaline, des voix, de la lumiere, la sensation de son corps lourd sur un lit dur.
Bruits de toux a coté et blanc si intense qu'il percait ses paupieres fermées. Des gens autour de lui bougeaient, il pouvait le sentir.

Ses sourcils se froncerent, il regretta le calme et le néant qui l'avait saisi même s'il ne se rendait toujours pas compte de ce qu'il avait fait ou de ce qui c'etait passé. Ses mains agripperent le draps, et c'est avec les yeux fermés et immobile qu'il murmura.

Mais taisez-vous, je voudrais dormir !

Mayuko s’était empressée de se faire remplacer par un collègue et avait réussie à convaincre Kana de suivre l’ambulance et de la déposer devant l’hôpital où avait été admis Gaeyu. Elle avait attendu plusieurs heures assise sur le fauteuil du couloir qu’un médecin vienne lui apporter des nouvelles de son ami. Quand ce fut chose faite, elle pénétra doucement dans la chambre où était étendu le jeune homme et s’approcha. Elle allait s’asseoir et lui saisir la main quand elle l’entendit vaguement protester contre le bruit ambiant. Cette réaction la fit soupirer de soulagement et elle murmura d’une voix emplie de douceur.

Je suis désolée Gae !

Difficile de dire si c’était de l’avoir dérangé dans son sommeil, de l’avoir involontairement blessé ou simplement qu’elle regrettait son geste. Elle posa son front sur la main de Gaeyu, ferma les yeux et récita une prière de son cru pour qu’il se rétablisse très vite !

Ne me laisse pas ! je n’ai pas encore réussi à te faire rire !

Kana s’était rendue à l’hôpital avec Mayuko, ou plutôt, Mayuko avait emmené de force Kana jusqu'à l’hôpital. De toute façon, Kana n’aurait pour rien au monde laissé son amie ainsi, et savait qu’elle devait l’accompagner. Par chance, elle était venue en voiture au lycée, ce qui permit aux deux jeunes femmes d’arriver très vite à l’hôpital.
Kana avait eut beaucoup de mal à retenir Mayuko, qui tenait absolument à voir Gaeyu immédiatement. A force d’arguments, l’enseignante avait enfin consentit à se calmer. De son côté, Kana était plutôt nerveuse. Savoir que Gaeyu était au bord de la mort sans pouvoir y faire quelque chose lui était insupportable. Elle fut légèrement rassurée lorsqu’elle apprit que le médecin qui était sur l’affaire n’était autre que Seryu-seinsei, le père de la jeune Kajila.
Elle essaya du mieux qu’elle pouvait de rassurer également Mayuko, lui expliquant que Seryu-sensei était un grand médecin, que Gaeyu s’en sortirait grâce à lui.

Enfin, après s’être renseignée auprès de l’accueil et de ses contacts infirmiers, Kana apprit que le jeune homme était a priori sorti d’affaire, et qu' une visite bien que déconseillée était tolérée. Kana préféra accepter pour Mayuko de voir dans l’instant le malade, bien qu’elle désapprouve qu’on le dérange. Lorsqu’elle entra à la suite de Mayuko, elle resta en retrait, laissant les deux amis se parler, bien que Gae ne soit pas vraiment en état. Elle ne préféra rien dire, laissant Mayuko auprès de l’enseignant, légèrement troublée par la phrase de son amie. Cela se voyait qu’elle tenait à l’homme, ce qui expliquait le fait qu’elle se sente fautive face à sa tentative de suicide.

Bien qu'il soit a nouveau a peu pret conscient du monde autour de lui, Gaeyu avait l'esprit embrumé. Il ne savait pas ou il était, ce qui s'etait passé ou ce qu'il faisait la mais ne se posait même pas la question. Apres le temps passé dans ce néant a la fois si attractif et si effrayant, les quelques sensations qui lui parvernaient etaient deja difficiles a gerer.

Tout d'abord le poid de son propre corps. Il se sentait cloué, incapable de bouger comme s'il n'etait plus rien qu'une masse inherte. Sa poitrine qui se gonflait au rythme de sa respiration etant bien la seule chose qu'il soit capable de remuer.

Puis il y avait les bruits. Pas tant que cela finalement mais qui l'empechaient de reflechir correctement. Les bruits de l'air conditionné ou un autre malade qui remuait, des pas dans les couloirs et une voix pret de lui qui s'excusait...de quoi ?

Il sentit alors un poid supplémentaire sur sa main mais ne put dire de quoi il s'agissait. Trop accaparé par les deux sens a peu pret actifs chez lui, il ne pensa même pas a ouvrir les yeux.

Alors, au prix d'un effort presque surhumain, le jeune homme tourna la main pour carresser le front qui s'y trouvait. Ce geste dura a peine une micro seconde mais demanda bien 5 minutes de concentration intensive. Enfin, il retourna péniblement a son immobilitié.

Ma...

"Ma" quoi au fait ? Il ne savait plus, pourquoi avait il dit "Ma" ?

Ma...dame....

Ah oui, Madame...alors pourquoi ce sentiment de ne pas avoir trouvé le bon mot ? Il n'arrivait pas a le savoir. Une profonde lassitude l'envahit de nouveau.

Madame...pourquoi....pas...dormir ?

Reussi-t-il enfin a articuler dans un souffle d'une voix endormie.

La tête toujours appuyée contre la main de Gaeyu, Mayuko pleurait en silence. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Depuis tout le temps qu’ils se connaissaient, c'est-à-dire une éternité, comment le jeune homme avait-il pu commettre un tel acte ? Cela dépassait de loin l’entendement de la jeune femme. Perdue un instant au milieu de ses doutes et ses questions, elle n’entendit pas les premiers mots. Cependant, elle eut comme un pressentiment et releva le visage quand il lui demanda pour quoi il ne devait pas dormir. Le son de sa voix altéré par la fatigue et les somnifères fit un choc énorme à Mayuko. Elle prenait réellement conscience qu’il avait frôlé la mort ! Et puis, pourquoi, diable, l’appelait-il « madame » ? Il la connaissait pourtant. Ou alors était-ce là sa manière de se venger pour toutes les souffrances qu’elle lui avait fait endurer ? Mais elle n’eut pas le temps de lui poser la question que déjà, il semblait repartir au pays des rêves !
Elle se leva d’un bond, faisant tomber au passage sa chaise dans un bruit assourdissant et se pencha sur le visage de son ami. Elle ne cessait de murmurer son nom, trop heureuse de le voir réagir pour s’inquiéter de ses paroles.

Gae ? Gaeyu ? C’est moi, Mayuko ! Tu m’entends ? Gaeyu ?

Elle le tenait à présent par les épaules et s’était mise à le secouer sans s’en rendre compte. Elle était tellement soulagée de le savoir vivant qu’elle avait oublié l’endroit où elle se trouvait.

Kana ne savait pas quoi faire. Voir son amie dans un tel état de tristesse lui faisait plus de mal que de bien. Elle restait derrière Mayuko sans rien dire, n’osant pas lui parler , même pour la consoler. Bien que l’état de Gaeyu s’améliorait, il restait pour l’instant préoccupant.
La jeune médecin regarda par la minuscule fenêtre se trouvant près d’elle, le visage impassible. Il faisait magnifiquement beau ce jour là, comme si le temps se réjouissait du rétablissement de l’enseignant, et pourtant, même le doux chant des oiseaux laissèrent la jeune femme mélancolique. Cette dernière s’était fait beaucoup de soucis pour son amie depuis la vieille, presque autant que pour le pauvre Gaeyu.

Elle se rendit alors compte que l’homme parlait. Elle tourna rapidement sa tête vers le lit d’hôpital, avant de s’approcher lentement tandis que Mayuko commençait à secouer sans ménagement Gaeyu. Kana tenta du mieux qu’elle pu de l’empêcher de blesser son ami, tout en lui disant :

« Ca suffit Mayuko ! Arrête tout de suite, Gaeyu-san doit se reposer, crois tu que c’est en le ballotant comme un vieux sac que tu pourras l’aider à aller mieux !? »

Plus douce, elle écarta la main de Mayuko qui tenait à présent l’enseignant, un sourire compatissant pour la femme en larmes.

Oui Gaeyu entendait. Il n'entendait que trop. Que de bruits ! Il ne sentait pas Mayuko le secouer mais pour l'entendre il l'entendait. Il songea une seconde a lui demander de se taire mais quelque chose l'en empechait. Le nom de Mayuko lui disait quelque chose. Il etait auréolé de lumiere et cela l'intriguait.
Il mit par contre pas mal de temps pour réagir. Tout le temps qu'il fallait a Kana pour revenir de ses propres songes et eloigner la jeune femme.

Curieusement d'ailleurs cet eloignement ne lui fit pas plus de bien.

Non...

articula t'il peniblement, soulevant sa main de quelques centimetres comme dans un espoir insensé de ramener le professeur a lui.

S'il vous plait...Mayuko .

Il ne savait toujours pas ce que ce nom voulait dire mais il semblait au moins aussi important pour la voix que pour lui.
Une autre question restait egalement.

Quoi...Gaeyu ?

La jeune femme se figea sous la remarque de son amie. Mon dieu, mais quelle mouche l’avait donc piquée ? Ce n’était pas une façon de traiter un malade ! Elle laissa Kana la tirer en arrière et lâcha le malade à regret. Elle ne pouvait détacher son regard du pauvre visage décomposé de l’homme qui gisait là, sur ce lit d’hôpital. Puis un murmure. Presque un cri en ce qui concernait Mayuko. Elle se rapprocha à nouveau du chevet de Gaeyu. Calmement cette fois, elle lui saisit tendrement la main et la serra dans les siennes. Il paraissait si faible qu’elle en eut le cœur brisé !

Je suis là ! Ne t’inquiète pas. Je veille sur toi !

Puis elle se retourna vers Kana et lui demanda dans un souffle.

Pourrais-tu nous laisser seuls, s’il te plait, nous avons des choses à nous dire. Non pas que je ne te fasse pas confiance mais c’est…personnel.

Elle reprit sa position de garde malade. Assise au plus près du jeune homme, elle guettait le moindre de ses mouvements, la moindre respiration, la moindre de ses paroles. Elle attendait. Elle attendait qu’il se réveille. Elle attendait pour se faire pardonner.

Gae ? sais-tu où nous sommes ?

Kana observa incrédule le professeur de japonais se trouvant sous ses yeux. A présent, ce dernier parlait avec grande peine, suscitant chez la femme une impression de déjà vu. Avait-il perdu la mémoire à parler ainsi. Elle essaya de se convaincre du contraire. Non, cela devait tout simplement être le choc, la surdose de somnifères restait la principale raison. Alors pourquoi ramenait-elle la scène à un épisode de sa vie déjà passé ?
Les crises d’une de ses patientes l’avait laissé troublée, et voila que ces souvenirs qu’elle aurait préféré effacé revenait encore la hanter ! Pourquoi diable y pensait-elle à présent ?!

Mayuko émit alors le souhait de rester seule à seul avec Gaeyu, ce que Kana comprit parfaitement. Elle hocha la tête avec gravité, avant de lui adresser un regard plein de soutien. Elle lui dit doucement :

« Oui, je ferai comme tu voudras… »

Elle se leva lentement, et sorti de la pièce refermant derrière elle la porte avec la plus grande délicatesse. Restée là, elle souffla un instant, avant de se diriger vers les services proches, à la recherche du médecin chargé de Gaeyu. Elle espérait en apprendre plus sur l’état de l’enseignant.

Gaeyu sentit alors quelqu'un lui prendre la main et le nom de lumiere réapparu dans son champ de vision si fort qu'il ouvrit les paupieres pour trouver un peu d'obscurité. Son regard d'habitude froid et serieux etait voilé par la fatigue et refletaient parfaitement le dessarrois du jeune homme. Il tourna doucement la tête vers Mayuko sans la voir et s'immobilisa.

Gae ?

A ranger avec Gaeyu ? Non ? Oui ? Comment pouvait il savoir ou il etait alors qu'il ne savait pas qui il etait ?
Peu à peu, la brume se dechirait dans son esprit et une imag lui parvint. Une jeune femme, blonde, penchée sur lui. Si belle...
Ses yeux s'attendrirent une seconde, il les ferma cependant, ne voulant pas exprimer ses sentiments. Ses sourcils se froncerent tandis qu'il reflechissait.

Je me souviens...

De quoi se souvenait il ? Il ne trouvait plus le mot, simplement des images d'avant son accident.

Bruit, enfants ?

essaya-t-il de faire passer tandis que les couloirs trop de fois arpentés de l'ecole defilaient sous ses yeux.

Guettant toujours le moindre signe de vie, Mayuko se tendit quand Gaeyu articula à grand peine quelques mots. Elle se pencha davantage tout en prenant soin de ne pas l’étouffer et perçut difficilement ses dernières paroles. Elle réfléchit au sens que cela pouvait bien avoir. Il n’avait pas d’enfants et n’était pas marié. Alors de quoi pouvait-il bien faire allusion ? et puis le « bruit ». Elle savait bien qu’il n’aimait pas les gens bruyants. D’ailleurs ses élèves en connaissaient un rayon. …ses élèves ! Mais oui, c’était peut-être ça !

Gae ? Les enfants ? Ce sont tes élèves ?

Elle se tut attendant une éventuelle réponse et poursuivit devant le mutisme du jeune homme.

Ne t’inquiète pas pour eux. Un collègue t’a gentiment remplacé et rassure-toi, ce n’est pas Shouta ! Dieu merci !

Elle poussa un petit soupir et continua d’une voix moins assurée.

Dis-moi ? Pourquoi ? Pourquoi as-tu fait une chose aussi…stupide ! J’ai cru mourir d’angoisse quand on m’a appris la nouvelle. Tu m’es très précieux Gaeyu Toyimi. Mets-toi bien ça dans le crâne ! Je ne supporterais pas de te perdre !

Les eleves, oui c'etait cela les eleves. Dans une ecole. Il se souvenait a présent. Le brouillard se disspipait de plus en plus et il arrivait enfin a reflechir un peu.
Par contre point de vue musculaire, cela ne répondait toujours pas, et il luttait sans arret pour ne pas sombrer dans le sommeil, sachant vaguement qu'il ne fallait pas le faire.
Il n'avait toujours pas du tout conscience de l'endroit ou il etait et de ce qu'il avait fait.

Mayuko ? Pas Shouta. Pour les eleves.

C'etait important pour lui. Il aimait ses eleves et pas du tout Shouta. Rien que ce nom, le mettait dans une rage folle, malgre les calements. Il ne savait pas que c'etait ce que Mayuko venait de dire mais soudainement comprit quelque chose.

Ecole ? Ou est on ?

Ses sourcils se froncerent encore tandis qu'on sentait poindre un peu d'angoisse dans sa voix.

Un probleme ?

Mayuko releva subitement la tête en entendant Gae parlait. C’était la première fois qu’il disait quelque chose de sensé depuis ces dernières heures. Des larmes de joie coulèrent le long des joues de la jeune femme tandis qu’elle serrait avec passion la main de son ami dans les siennes. Il était enfin hors de danger. D’un seul coup, elle se sentit comme soulagée d’un grand poids.

Oh, Gae ! Si tu savais comme tu m’as fait peur !

Elle se tut alors que Gaeyu reprenait la parole. Elle ne pouvait détacher ses yeux des siens. Elle le regardait avec adoration et tendresse. C’était sur à présent ! Il était précieux à ses yeux et précieux à son cœur. Cependant, son froncement de sourcils ne lui échappa pas et elle se hâta de le rassurer une nouvelle fois.

Ne t’inquiète pas. C’est Tanaka-san qui s’occupe de ta classe.

Elle marqua un court silence et reprit.

On est à l’hôpital. Tu ne te rappelles pas ? Kana t’a trouvé inconscient dans l’infirmerie. Apparemment, tu avais englouti une boite entière de somnifères !...Dis-moi, Gae, pourquoi as-tu fait ça ? Est-ce à cause de moi ?

Et ses yeux se firent tendres et à la fois anxieux. Elle redoutait un peu la réponse mais d’un autre côté, elle avait besoin de savoir.

En effet, Gae arrivait a reflechir et donc a comprendre ce que lui disait Mayuko et même a répondre, mais cela restait laborieux. Il avait du mal a trouver ses mots, a comprendre ce qu'elle disait et a s'exprimer autrement qu'en phrases courtes et tout juste murmurées. Il ne pouvait repondre a son emotion pourtnant visible. Il aurait bien essuyé ses larmes mais ne pouvait faire un geste. Bloqué sur son lit par les calments aussi surement que par des chaines d'acier. Aussi laissa-t-il passer tous ses sentiments dans ses yeux. Sa fatigue, sa peur, son angoisse et son amour. Il ne savait pas encore ce qu'ilavait fait mais etait vraiment heureux de la revoir. Elle lui avait tellement manqué. D'un autre coté, la voir si emue lui faisait peur. Il s'etait donc passé quelque chose de grave ?

Tanaka. Bien.

fit il, calmé, avant que Mayuko ne lui rappelle l'horrible journée qu'il avait passé, Shouta, le toit, l'infirmerie, tout revint d'un seul coup.
L'histoire des somniferes n'etait qu'un symptome. Certes, il avait failli mourir mais le malaise etait bien plus profond. Les nerfs de Gae craquaient completement. Sa main se remit a trembler, puis son bras, ses jambes, tout son corps, malgré les calments. Il tremblait doucement, on etait bien loin de la crise qui l'avait saisi a l'ecole mais c'etait tout de même perceptible.

Mayu, aide moi !

Supplia-t-il soudain l'implorant du regard. Puis, se rendant compte que la jeune femme n'y pouvait rien, il se decida a repondre a cette etrange question qu'elle lui posait pour la troisieme fois.

Je ne sais pas. Je voulais juste dormir. Peur pour toi. Cauchemards. Tremblait. Voulais juste dormir. Plus me reveiller, dormir. Te laisser tranquille.

Les paroles du jeune homme confirmèrent les craintes de la jeune femme. D’une façon ou d’une autre, elle était bien la cause de ce désastre. Elle baissa la tête fautive. Elle se sentait perdue et ne savait plus comment réagir. Décidément, c’était une journée à rester couchée ! Elle réprima avec difficulté un soupir qui menaçait de passer le seuil de ses lèvres et pâlit dangereusement.

Tout est de ma faute. Pardonne-moi, Gae. Je suis profondément désolée de tout le mal que je t’ai fait. Je n’arrive pas à excuser ma conduite avec toi ! J’ai été ignoble, sans cœur, égoïste…

Elle s’arrêta car déjà un sanglot pointait dans sa voix et menaçait de transformer l’échange en crise de larmes. Elle aurait voulu disparaître six pieds sous terre. Elle savait bien que rien ne pardonnerait son attitude avec Gae. En tous cas, elle ne se le pardonnerait pas ! Elle inspira et expira longuement. Mais même cet exercice tout simple laissait présager rien de bon. L’air qui entrait vibrer d’une étrange manière et elle contrôlait de plus en plus durement son envie d’éclater en sanglots ! Elle fit un dernier effort, tenta un pauvre sourire et se leva lentement.

Je crois que j’ai trop abusé de ton temps. Je vais m’en aller. Repose-toi bien, s’il te plait ! Adieu Gaeyu Toyimi.

Mayuko s'en allait. Gaeyu ne comprit rien de son discourt mais elle s'en allait, elle lui disait Adieu, elle ne voulait pas l'aider, rester pret de lui. Pourtant il avait tellement besoin d'aide, il se sentait comme un enfant, totalement dependant de quelqu'un qui serait la, quelqu'un que l'on aime et dont la seule presence fait battre son coeur. Il se sentait desarmé sans son flegme habituel, sans cette carapace qui le protegeait au moins un peu.
Il tendit la main.

Reste ! fit il de toute ses forces

La main retomba et des larmes roulerent de ses yeux.

Reste, j'ai besoin de toi. Ne me dit pas Adieu. Je veux te voir encore.

(Vivre n'a pas d'interet si je ne peux pas te voir, ne serai-ce que t'appercevoir dans la journée)

Il secouait la tête et le corps sur le lit, comme en prise avec un cauchemard mais la seule chose qu'il pouvait dire c'etait ce verbe, cet ordre, cette priere...

Reste...

Mayuko stoppa net. C’était bien la première fois que Gae lui donnait un ordre. Encore mieux. C’était la première fois qu’il exprimait clairement ce qu’il ressentait sans se cacher derrière un masque de profonde indifférence. Elle se demanda si elle n’avait pas rêvée mais il se répéta et la jeune femme dut bien admettre la réalité. Il voulait encore d’elle, il avait besoin d’elle. Elle pivota doucement sur elle-même et lui offrit un visage ravagé par les larmes. Des larmes de joie, des larmes de culpabilité, des larmes d’espoir. Aussitôt, elle fut alarmée par les tremblements du jeune homme. Elle s’approcha rapidement du lit, se mit carrément à genoux, saisit son ami à bras le corps et le serra contre elle.

Chuuut ! Ça va aller. Je suis là. Je resterais à ton chevet si c’est ce que tu désires. Calme-toi, Gae. S’il te plait.

Et elle continua à lui murmurer des paroles réconfortantes tandis qu’elle s’était mise à le bercer tendrement. Impossible de dire combien de temps ils restèrent ainsi. Une minute, une heure, une éternité. Peu importait. Gaeyu était vivant et il avait vraiment besoin d’elle. Alors, Mayu finit par le relâcher et le déposa sur le lit. Elle rapprocha la chaise, s’y assit et reprit la main du malade entre les siennes. Si sa présence pouvait lui donner la force de vivre, elle resterait le temps qu’il faudrait. D’un geste doux, elle essuya une larme qui avait roulée sur la joue de son ami d’enfance.

Pourquoi t’a-t-il fallu tout ce temps pour te montrer tel que tu es ? Qu’un homme pleure n’est pas une preuve de faiblesse, tu sais. Peu importe ce qu’en pensent les autres.

A travers ses larmes, Gae ne put voir celles de son amie. Il se laissa bercer, se calmant petit à petit. Il sentit le tremblement s'apaiser et ses larmes se calmer. Il sentait son odeur, sa présence, sa voix. Il etait a la fois heureux et desesperé. Heureux parce qu'elle etait la pour lui, et que c'etait plus qu'il n'osait l'esperer depuis leur rupture, desesperé parce qu'il savait, il sentait que c'etait provisoire. Une chose etait devenue certaine pour lui, le coeur de Mayu ne battait pas pour le sien. Pas plus que pour Shouta, il en etait persuadé.

Elle le reposa sur le lit. Son visage etait plus calme, mais loin d'être aussi lisse que d'habitude. Ses yeux regardaient a présent le plafond pour ne pas gener la jeune femme par l'intense amour que le professeur n'arrivait pas a dissimuler.

Il battit des cils deux trois fois en lui abandonnant sa main.

Je pleure souvent.

fit il doucement. C'etait vrai. Mais toujours lorsqu'il etait seul. Il n'avait pas peur des autres mais surtout de lui, il se savait hypersensible, il l'avait toujours été mais son pere avait réprimé cette partie de lui, et il avait apprit à se proteger en enfermant son coeur dans une carapace de rigueur et de ce que Mayuko appelait de l'indifférence.

Les autres...ce n'est pas important.

Il détourna la tête pour ne pas montrer de nouvelles larmes. Tout compte fait, lui non plus n'etait pas imprtant. Seule Mayu comptait. Il voulait le lui dire, commenca plusieurs phrase sans les continuer un reste de pudeur le retenant et demanda soudain plus doucement.

Comment vas tu ?

Mayuko dévisagea Gaeyu durant de longues minutes. Cet aveu de sa part la surprenait. Il faut dire qu’elle n’était pas habituée à ce genre d’épanchement de sa part. Elle le savait plus sensible qu’il n’y paraissait mais à ce point… Elle rougit sans savoir pourquoi. Elle était certes soulagée de le voir en meilleur forme mais ne comprenait pas pourquoi elle était si affectée par ce qu’il pensait d’elle. Était-ce parce qu’il était le seul à vraiment la connaître ? Non. Kana aussi la connaissait bien ! Alors quoi? Parce que l’espace d’un instant ils avaient été très proches ? Elle ne savait pas. Ils en n’avaient jamais réellement discuté ! Elle cligna des yeux et reporta toute son attention sur les dernières paroles du jeune homme.

Ce serait plutôt à moi de te poser cette question, tu ne crois pas ? C’est toi qui es allongé sur un lit d’hôpital, pas moi !

Elle lui fit un clin d’œil moqueur. Soudain, elle sentit une grande fatigue l’envahir. Toutes ses émotions avaient eu raison d’elle. Elle étouffa un bâillement, essuya ses larmes dans sa manche et dévora Gaeyu d’un regard tendre.

Tu es vivant. Pour moi, rien n’est plus important ! Absolument rien ! Pas même Hatori ou qui tu sais. En cet instant présent, tu es ma seule et unique priorité en ce bas monde !

Elle lui sourit plus franchement que la fois dernière.

Tu veux que j’appelle un médecin ? Tu veux quelque chose ? N’hésite pas à me le dire !

Gaeyu poussa un leger soupir. La réponse de Mayuko ne le surprenait pas vraiment mais comment lui expliquer qu'il ,ne pourrait aller bien que lorsqu'il la saurait bien ? Bien sur avec Shouta elle parraissait heureuse mais le jeune homme ne pouvait pas l'imaginer bien a long terme avec ce type.

Avec difficulté, il tourna la tête vers elle pour la regarder tendrement. Un sourire vint eclairer son visage lorsqu'il vit son clin d'oeil et il souleva doucement la main pour lui carresser la joue avant de la laisser retomber inerte. C'etait si dur de bouger...

Je vais bien, j'ai juste besoin de me reposer un peu. Ne t'inquiete pas pour moi.

Il ne s'etait pas encore rendu compte de son geste. Qu'il avait failli mourir. Même s'il se rendait compte qu'il s'etait passé quelque chose, il se disait vaguement avoir fait une reaction ou simplement qu'il tremblait, pas qu'il s'etait donné la mort...

Je veux dormir je crois. Je suis fatgiué. Et je veux te voir, même de loin, juste un peu. Parce que t'eviter, ne pas te voir, ne pas te parler...c'est tellement fatiguant.

Sa main s'etait remise a trembler a cette simple idée mais il fronca les sourcils et essaya de serrer le poing pour ne pas inquieter plus son amie et le tremblement cessa.

Quand Gae leva la main pour lui caresser le visage, Mayuko se demanda un instant comment réagir. Elle se sentait troublée. Alors comme ça, il avait encore des sentiments pour elle malgré les derniers évènements. Dans un sens, elle aurait presque préféré qu’il la déteste. Cela aurait plus facile pour elle parce que là, elle était plutôt dubitative. Bien sur, elle venait de se disputer avec Shouta et son avenir de ce côté-là était plus qu’incertain mais était-ce une raison suffisante pour ressentir ce trouble qui grandissait en elle. D’un seul coup, elle se trouva extrêmement frivole ! Elle grimaça face à cette constatation. Comment avait-elle pu tomber aussi bas ! Était-elle à ce point en manque d’amour ? Elle en était là lors que Gaeyu reprit la parole. Les mots qu’il lui dit alors lui firent mal. Il souffrait de leur séparation. Peut être plus qu’avant ! Elle s’en voulut.

Pardon ! Je suis qu’une égoïste sans cœur ! Une fois de plus, je te fais souffrir ! Mais de là à vouloir mourir pour moi…

Elle baissa les yeux gênée. Elle se sentait terriblement mal à l’aise. Peut –être devrait-elle appeler kana à la rescousse. Oui, c’est ça ! Elle allait appeler son amie. Elle saurait sûrement ce qu’il convenait de faire. Doucement, elle reposa la main de Gae et se leva en disant :

Attends ! Je vais chercher kana.

Et elle cria aussi doucement que possible.

KANA !

Kana un peu stressée, attendait patiemment dans la salle d’attente. Elle ne s’était pas résolue à retourner à son travail, au cas où l’on aurait besoin d’elle. Seulement, ne rien faire l’a rendait encore plus nerveuse, bien qu’elle ne soit pas vraiment concernée par ce qu’il venait de se produire. Mais quand on y réfléchissait, elle y été mêlée, c’était quand même elle qui avait retrouvé l’enseignant et avait averti les secours ! Et puis, la meilleure amie du patient, était également une des personnes auxquelles elle tenait le plus !
Elle se demanda quelques instants comment cela se passait de l’autre côté de la porte. Est-ce que Mayuko avait réussir à parler à Gaeyu ? Avait il reprit confiance ? Arrivait-il à tenir des propos cohérant ?
Kana observa fixement le sol, lorsqu’elle entendit qu’on criait son nom. Son premier reflexe fut de se lever immédiatement, et de regarder en direction de la porte.

(Il est arrivé quelque chose ?)

Elle se dirigea rapidement vers la pièce, et ouvrit la porte un peu brusquement.

« Tout va bien Mayuko ? »

Kana aperçu au passage le professeur complément exténué dans les bras de Mayuko. Le médecin resta planté près du couple en ce demandant ce qu’il se passait.

L'enseignant soupira faiblement. Tout cela le fatiguait beaucoup. Et puis il ne comprenait pas pourquoi Mayuko voulait absolument que ce soit de sa faute. Elle n'y etait pour rien elle. Si faute il y avait, les seuls responsables etaient lui au premier chef et Shouta pour l'avoir poussé a bout. C'etait tout.

Mais non.

Elle l'avait fait souffrir, c'etait vrai mais il s'etait surtout leurré sur ses sentiments a elle. Il avait toujours su qu'elle ne l'aimait pas. Ou plutot qu'elle ne l'aimait pas comme un amant. Leur amitié etait bien reelle et c'etait ce qu'il avait eu le plus peur de perdre.
Il avait toujours su qu'elle ne l'aimait pas (donc), mais s'etait persuadé qu'elle pourrait tout de même passer sa vie avec lui. Il avait oublié que Mayu etait bien trop pure pour se leurrer longtemps.

Il ne dit rien lorsqu'elle lacha sa main. Il savait qu'elle allait revenir aussi n'etait il pas inquiet. Il ne comprit par contre pas ce que Kana faisait la dedans. Il n'avait pas tilté qu'etant a l'hopital, le medecin ne devait pas être la.

Kana ?

fit il le plus fort possible. Il attendit qu'elle soit arrivée pret de lui, et, sans savoir si Mayuko s'etait deplacée egalement, ordonna le plus clairement possible.

Prenez soin d'elle.

Il ferma les yeux une minute, et se souvint soudain de quelque chose.

Les seconde ont un contrôle demain. Les sujets sont dans mon sac.

Mayuko poussa un soupir de soulagement en voyant apparaître Kana. Elle comptait sur son amie pour expliquer la situation à Gae car celui-ci ne semblait pas comprendre la gravité de celle-ci. Comme pour confirmer ses pensées, il leur annonça qu’il avait les sujets d’examen dans son sac. La jeune femme sentit la moutarde lui monter au nez. Elle en oublia l’endroit où elle se trouvait.

Le boulot ! Toujours le boulot ! Tu peux pas penser à autre chose de temps en temps. Tu viens de frôler la mort en ingurgitant des comprimés et toi, tu ne penses qu’à tes élèves. J’en ai assez ! J’aurais mieux fait de rester couchée aujourd’hui !

Elle salua son amie qui les regardait un peu abasourdie et sortit de la pièce en claquant la porte. C’était plus qu’elle ne pouvait en supporter. Entre Shouta et Gaeyu, elle avait eu sa dose pour la journée ! Ces deux-là ne savaient pas ce qu’ils voulaient et elle en avait assez d’épuiser son énergie à essayer de les comprendre.

Kana ouvrit la bouche sans rien dire. Bien que Mayuko avait laissé échapper un soupir apparemment soulagée, elle n’avait pas l’air d’avoir à lui parler, ou même à lui signaler un éventuel problème. Ce fut Gaeyu qui lui adressa la parole, et le médecin obéissant, avança de quelques pas.
Cependant, face à l’étrange faveur que lui déclama le jeune homme elle demeura interdite, apparemment intriguée. Pourquoi donc lui demandait-il ça maintenant. Surmontant sa stupeur, son visage s’adoucit, et elle hocha la tête.

« Vous pouvez compter sur moi Gaeyu-san, May-chan m’est précieuse plus que quiconque. Il vous faut cependant vous reposer, ce n’est pas en vous agitant ainsi que vous vous sentirez mieux. »

D’ailleurs, l’enseignant pensait déjà à ses élèves et au contrôle qu’il devait leur donner, ce qui acheva de rendre Mayuko furieuse. Kana voulut la calmer, mais cette dernière quitta la pièce à grands pas. La jeune femme se tourna vers Gaeyu et lui dit esquissant un sourire gêné :

« Vous savez, Mayuko est impulsive mais elle a raison, vous ne devez pas penser au travail maintenant ! Quand je vous ai trouvé dans l’infirmerie j’ai eu la peur de ma vie, je m’imagine facilement ce qu’elle a pu éprouver… »

Elle eut un regard destiné au mur, puis se rendit compte qu’elle devait surement déranger l’homme. Elle demanda timidement, de nouveau gênée :

« Euh … Vous souhaitez peut-être que je me retire ? Je ne voudrais pas vous empêcher de vous reposer ! »

Elle reporta son attention sur le mur quelques instants, ne doutant pas de la réponse de l’enseignant. Il était cependant très mal poli de partir ainsi sans en demander le congé, (bien que ce fut l’exact comportement de sa collègue) et c’est pour cette raison que Kana attendit une réponse avant de partir.