Simple visite... peut être la dernière?

Sasha était resté un bon moment devant la boutique avant d'oser entrer. Elle avait voulu s'assurer que cette autre fille, celle qu'Ayame trouvait si jolie au point d'en faire son modèle n'était pas là. Oui, certes, elle était sans doute jalouse de cette fille. Après tout, elle avait été la petite princesse d'Ayame, son bel ange, sa source d'inspiration, avant que cette fille ne débarque. Et à présent.... A présent, elle était reléguée à simple assistante. Ni plus ni moins. Et elle s'en sentait oppressée. Ayame Sohma était une des rares personnes qui lui avait accordé une certaine attention, mais tout comme pour les autres, cette attention était restée éphémère, elle avait duré quelques temps avant de finir par s'effacer.

Et aujourd'hui Sasha n'en pouvait plus. Elle avait décidé à annoncer à Ayame qu'elle arrêtait son travail ici. Elle se détachait peu à peu de tous ceux à qui elle s'était attaché et pour qui elle était transparente. Parce qu'elle en souffrait trop. Etre là, sans vraiment exister... autant rester seule.... ce serait moins douloureux. Elle n'aurait plus cette impression amère d'être ignorée.

Rassurée de ne pas voir sa 'rivale' dans la boutique, la petite blonde entra dans la boutique, faisant sonner la petite clochette annonçant l'arrivée d'un client. Elle ne resta pas à attendre et s'avança directement dans l'arrière boutique, le coeur serré, les yeux baissés.

" Sohma-san? " appela-t-elle d'une petite voix.

Ayamé travaillait, ou plutôt faisant semblant de s’occuper d’une commande. Grace à un éventail d’une taille démesurée, il essayait tant bien que mal de se rafraichir. C’est que les journées devenaient de plus en plus chaudes, ce qui n’était pas au gout du couturier. Si ce dernier n’aimait pas les jours de grand froid, il supportait encore moins les journées caniculaires qu’annonçait le début de l’été ! C’est que c’était affreusement mauvais pour son teint si fragile !
Le serpent entamait sa troisième heure de repos intensif, accoudé à son comptoir, une orangeade entre les mains. Il n’ya avait pas grand monde dans sa boutique ces jours ci mais le couturier n’en s’en affolait pas spécialement. Il avait l’habitude des journées calmes. Ce qu’il trouvait cependant étrange, était l’absence de ses deux charmantes assistantes, une des deux avait même complètement déserté la boutique !

Ayamé entendit alors un petit bruit de clochette, et la jeune fille anglaise fit son appariation. Ayamé contourna rapidement son comptoir, avant de se pencher en direction de Sasha, avec un grand sourire :

« Good Morning Sasha-chaaaaann !!! »

Puis il éclata de rire sans raison apparente, avant de continuer dans sa lancée faite d’excessivité habituelle. Il se redressa avant de commencer son monologue interminable.

« Je suis si heureux de vous revoir après tant de temps sans nouvelles, je trouvais cela tellement étrange qu’une personne telle que vous ne vienne plus s’abreuver de ma sagesse et de ma conversation inimitable !! HA HA HA !!! »

Sans attendre une réaction de la part de la jeune fille il fit un grand mouvement de bras avant de dire :

« Ma boutique était étrangement vide ces derniers jours, et puis je suis complètement accablé par tout le travail à faire ! Ah pauvre de moi !! »

Et dans un mouvement théatrale, il fit mine de s’évanouir…avant de prendre une main de la jeune fille. Il lui demanda en souriant, lui parlant de cette même voix niaise que précédemment :

« Mais maintenant TOUT va bien puisque vous êtes là ! »

Le Soma était tellement absorbé par son petit numéro, qu’il n’avait pas remarqué la mine déconfite de son assistante. S’en rendant enfin compte, il demanda surprit :

« Vous allez bien ma chère ? »

Sasha n'était plus surprise du caractère particulier de son employeur. A vrai dire, elle l'avait toujours mis sur le compte d'une barrière. Certaines personnes se protégeaient en étant froides, et d'autres en étant exhubérantes, démesurées. Elle pensait qu'Ayame tentait de cacher ce qu'il était vraiment derrière ces apparentes tergiversions. Alors elle le laissa faire, ne se défaisant pas de cette mine grise qu'elle affichait. Mais elle ne pouvait cacher que cela lui faisait plaisir de le voir s'occuper un peu d'elle même s'il était bien incapable de voir qu'elle n'allait pas bien. Mais de toute façon, qui s'en rendrait compte?

Quand sa main fut saisie par la main chaude du couturier, la jeune demoiselle sentit à nouveau son coeur s'emballer. Ce genre de contacts était bien rare pour qu'elle ne veuille pas en profiter. C'était doux... et c'était chaud... Mais ça ne la réconfortait pas le moins du monde. Ca ne faisait que rajouter un poids sur son coeur et sa conscience. Mais qu'Ayame puisse se rendre compte que quelque chose n'allait pas la surprit. Elle en écarquilla légèrement les yeux et retira doucement sa main de celle du Sohma. Il paraissait sincèrement inquiet.... mais bon, s'il était aussi intéressé par elle en cette minute, c'était bien parce que sa 'rivale' n'était pas là....

" Je ne vais plus travailler ici " lâcha-t-elle d'une traîte, le regard fixant le sol. " J'ai assez travaillé pour rembourser la robe que vous m'avez donné. Alors j'arrête. De toute façon, vous n'avez aucunement besoin de moi. "

Son regard ne s'était posé en aucun cas sur Ayame. Et sa voix était à la fois mêlée de tristesse et de colère. La solitude forcée, la solitude voulue.... c'était dur.... et douloureux.

Ayamé sentit la main de la jeune anglaise s’échapper de la sienne, avant que cette dernière ne lui indique la véritable raison de sa visite. Le serpent afficha une mine déconcerté. Il ne s’attendait réellement pas à une situation comme celle-ci, encore moins de la part de la timide lycéenne ! Il étudia d’un regard son assistante de haut en bas, se demandant si elle lui jouait une mauvaise plaisanterie. Il lui semblait pourtant que ce n’était pas vraiment dans les habitudes de Sasha et c’est pour cette raison qu’il prononça :

« Ne plus travailler ? »

Mais déjà la jeune fille s’expliquait, bien que ses excuses ne paraissaient pas particulièrement justifiées. Le ton à la fois triste et colérique de son assistante laissait à Ayamé une impression étrange. Il ne comptait pas la laisser partir sans connaître la véritable cause de cette démission.
Lorsque Sasha lui parla de la robe, il reprit vite un beau sourire, peut être un peu moins niais qu’en temps normal.

« Hop hop hop, qu’êtes vous donc en train de me dire ?! Cette robe était un cadeau, et Ayamé le magnifique refuse catégoriquement que vous utilisiez votre paie pour la rembourser ! Non et non, miss Sasha-chan, vous ne pouvez pas quitter la boutique pour une raison aussi dérisoire ! »

L’homme porta une main jusqu’au menton levant les yeux au ciel. Pourquoi donc souhait-elle partir, c’est qu’il avait besoin d’assistantes et que le travail de la jeune fille était plus que satisfaisant ! Il demanda brusquement :

« Serait-ce une question d’argent ? Je peux augmenter votre salaire si vous le souhaitez ! Ou bien je sais, c’est les uniformes ! il me semblait bien que la jupe était bien trop courte ! A malheur, il faudrait voir tout cela avec Lili-chan ! »

Inconscient de l’effet que pourrait produire cette phrase sur la jeune fille, le maudit mit les poings sur les hanches de nouveau pensif. Pour le moment, le couturier ne paraissait pas encore déstabilisé par l'annonçe de l’étudiante, la simple idée que l’on pouvait refuser un de ses emplois ne lui effleurait pas l’esprit ! Puis il repensa à ce que Sasha venait de déclarer. Ne plus avoir besoin d’elle ? Pourquoi donc s’imaginait-elle une chose pareil !? Le serpent chercha à croiser le regard de la lycéenne mais sans grand succès, cette dernière fuyant constamment le sien.
Fronçant les sourcils signe qu’il ne comprenait pas, il secoua la tête:

« Je vous demande pardon ? Il me semble que si vous ne m’étiez d’aucune utilité, je ne vous demanderais pas de rester à mon service ! Depuis que Miné est partie pour s’occuper de son père malade, j’ai eu beaucoup de mal à bien tenir la boutique ! Quelques semaines passées seul, et voila que toute mon merveilleux marché s’effondrait !!! Une vraie catastrophe, que dis-je c’était insupportable !! » dit-il avec une indignation frôlant la réjouissance. « Sans votre aide et celui de Lili-chan, je n’aurais jamais pu remonter la dure pente de la vie ! »

Il fit une pose dramatique, c’est qu’il aimait utiliser ce genre de phrases tout droit sorties des livres de Shiguré ! Même si son discours était mené comme une sorte de comédie, l’homme n’avait jamais été plus sérieux. Il lança un regard qui l’espace d’une seconde paru suppliant.

« Si vous quittez la boutique maintenant, j’ai peur de ne pas réussir à bien tenir le magasin. Je ne suis pas très doué pour la gestion, je suis juste un grand couturier ! Et Lili-chan ne pourrait pas s’occuper de tout toute seule ! »

Ne pas rembourser la robe? Mais n'était-ce pas ça le deal au tout début? Quand elle était venue par hasard dans cette boutique et qu'elle avait rencontré le grand Ayamé? Quand Lili n'était pas encore là, alors que Miné était déjà partie? Ne lui avait-il pas dit et répété qu'elle était un ange, lui répétant inlassablement combien elle était belle et qu'elle était sa princesse. Mais tout cela était bien loin derrière elle. Depuis l'arrivée de Lili, de cette petite midinette stupide, tout avait bien changé. Sasha était devenue quasiment transparente avec l'arrivée de ce si merveilleux modèle.... Et plus Ayame parlait et faisait référence à cette fille, plus la petite blonde se sentait bouillir.

C'était incroyable !! Il ne pouvait pas vivre sans elle ou quoi? Voir avec elle pour l'uniforme? Et pourquoi ne voulait-il pas voir ça avec la petite étrangère? Pourquoi Lili? Elle n'était pas une référence non plus, c'était pas comme si on pouvait dire amen à tout ce qu'elle racontait quand même!!! Oui, Sasha était jalouse. Parce qu'elle n'était plus aussi importante aux yeux d'Ayame. Elle n'était plus importante aux yeux de personne. Quand personne ne lui faisait de l'ombre, qu'elle était seule, ça allait, mais il suffisait que quelqu'un pénètre l'univers dans lequel elle se trouvait, et c'était fini. Elle devenait trop fade, trop inintéressante, trop.... trop rien....

Alors elle bouillonnait en silence, n'interrompant pas une seule fois le Sohma dans son discours, le laissant parler, évoquant à chaque phrase sa si précieuse Lili. Et plus elle l'entendait parler, plus elle se sentait minuscule. Il semblait tellement l'apprécier cette fille... De frissons, son corps se mit à tremblotter alors que son coeur se serrait de plus en plus. Et sans qu'elle ne puisse les empêcher, des larmes roulèrent sur ses joues alors qu'elle tentait toujours de ne pas croiser le regard de son employeur. Mais sa dernière phrase fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Elle releva vivement la tête vers lui, en colère, mais pas contre lui. Elle s'en voulait d'être aussi inutile, aussi transparente.

" Lili-chan!! Mais épousez la si vous la trouvez si merveilleuse!!! Pourquoi vous ne cessez jamais de parler d'elle?!! Lili-chan est un merveilleux modèle, Lili-chan est une source d'inspiration, Lili-chan ne cesse de m'étonner !! J'en ai marre !! "

Un sanglot lui échappa alors que son frêle corps tremblait plus violemment.

" J'étais .... j'étais votre ange avant.... et depuis qu'elle est arrivée, je ne suis plus rien..... Quand j'ai eu mon accident, quand... quand cette voiture m'a percuté juste devant la boutique, vous n'êtes même pas venu me voir.... ai-je donc si peu d'importance? " finit-elle par murmurer des larmes dans la voix.

Ayamé ne remarqua pas le temps de son discours, les larmes coulant sur le joli visage de son assistante. Les phrases répliquées avec violence de cette dernière lui firent prendre conscience qu’il n’était pas seul. En effet, lorsqu’il commençait à parler, il était difficile pour le couturier de s’arrêter, et de faire attention aux personnes qui l’entouraient.
Lorsque Sasha lui reprocha de ne faire attention qu’à Limay, l’homme faillit éclater de rire tant la situation lui paraissait incongrue. Une nouvelle fois, il faillit croire à une blague. Et une nouvelle fois encore, la figure décomposée de la jeune fille lui indiqua le contraire. Il eut alors beaucoup de compassion pour la petite blonde se trouvant devant lui. Il ne connaissait pas la cause de cette soudaine jalousie envers Lili-chan, mais le simple fait de savoir que l’américaine se sentait aussi mal suffisait à le toucher.

« Epouser Limay ? Quelle drôle d’idée ! » dit il intrigué.

Puis, avec une grande douceur, un sourire s’esquissa sur le visage du serpent. Il se baissa légèrement pour se mettre à la même hauteur que la jeune fille, ses longs cheveux produisant un bruissement léger accompagnant son mouvement. Il posa une main sur l’épaule de la lycéenne, et chassa d’un de ses doigts les larmes qui pointaient aux coins des yeux de Sasha.

« Mais vous êtes toujours mon ange Sasha-chan, je suis désolé de n’avoir pas remarqué plus tôt que vous alliez mal ! J’étais persuadé qu’une assistante de votre âge pourrait vous aider à vous sentir moins seule … si j’avais su ! »

Il écouta ensuite avec attention une histoire dont il n’était absolument pas au courant. Hôpital ? Accident ? Voiture ? Comment ce fait il qu’il n’en ai pas entendu parlé plus tôt ? Il regarda alors la jeune fille comme si il s’attendait à voir une blessure visible qu’il n’aurait pas aperçue. Il demanda vivement :

« Vous êtes blessée ? Ma Sasha-chan a été renversée et je n’ai pas été averti ! MAIS c’est une HONTE !!! »

Il se leva d’un coup totalement outré. Pourtant c’était lui le responsable de la jeune fille à ce moment de la journée puisqu’elle était son employée, alors pourquoi donc personne ne lui avait parlé de l’accident de Sasha ?! Il commença à s’emporter en criant :

« Mais cela ne va pas se passer ainsi, je vais me plaindre, le grand Ayamé est irrité au plus haut point de ne pas avoir été informé du mal de son assistante !!!»

Il se dirigea vers la porte à grand pas, l’ouvrit, avant de la refermer marquant une pause. Soudain assagi, il tourna les talons avant de retourner auprès de son assistante sans parler. Arrivé là, il se gratta le front et décréta en soupirant, visiblement gêné :

« Excusez moi, je suis tellement en colère que j’ai faillit vous laisser seule encore une fois »

Il ajouta plus pour lui-même, dans un murmure souriant de sa bêtise:
« Je ne suis qu’un imbécile... »

Puis, pour ne pas laisser le temps à la jeune fille de comprendre (il était si rare de l’entendre dire du mal de sa personne), il demanda :

« Désirez-vous du thé ? Il me semble qu’il en reste un peu, cela vous ferez le plus grand bien ! »

Il se garda bien de préciser qu’il s’agissait du thé de Limay, et sans attendre de réponse, il alla jusqu’à la cuisine, dans un bruissement de tissus chamarré. Quelques secondes plus tard, il revenait avec un plateau portant deux tasses fumantes. Il en tendit une à la jeune fille, l’encourageant du regard à la boire, et se laissa tomber sur une chaise avec un soupir, complètement épuisé.

L'idée ne semblait pas si étrange pour la petite blonde. Après tout, il l'aimait tant sa Lili qu'elle était persuadée que son attachement pour cette fille n'était pas seulement professionnel. Elle n'était pas stupide et encore moins aveugle... ou alors elle s'était monté la tête tellement elle s'était sentie mise à l'écart et jalouse..... Ceci dit, ses beaux yeux bleus s'écarquillèrent légèrement quand elle sentit la main d'Ayame se poser sur son épaule nue, sentant les doigts chauds du serpent sur sa peau. Elle en frissonna alors que son coeur se serrait à nouveau, accélérant sa cadence. Et ses yeux se fermèrent quand il effaça quelques larmes avant de les rouvrir pour se plonger enfin dans les beaux yeux si particuliers de son employeur. Le geste avait été simple, mais il avait beaucoup touché Sasha. Parce qu'elle savait qu'à cause de la malédiction qui le touchait lui et une partie des Sohma, il ne pouvait pas avoir de contacts plus rapprochés. Intérieurement, elle remercia Momiji de lui avoir tout raconté. Ca lui éviterait les gaffes vu sa fâcheuse manie à être trop tactile. Elle était tendre et douce et son affection passait surtout par des étreintes. Mais le geste d'Ayame l'avait profondément touchée et troublée. Il avait été si doux, si sérieux..... c'était une nouvelle facette qu'elle voyait de lui, et elle l'aimait beaucoup plus quand il était ainsi, même si elle s'était fait à son côté excentrique.

Elle était toujours son ange. Voilà qui était rassurant. Sur le coup, elle se sentait gênée. Faire ainsi une crise de jalousie, ce n'était pas vraiment quelque chose à faire à son employeur. Mais voilà. Elle était à bout, et Ayame était différent. Parce qu'il n'était pas qu'un simple employeur!! Il était différent!! Et puis la mentalité dans ce pays n'était pas la même qu'à Los Angeles. Elle aurait fait pareil crise dans la boutique de fringues dans laquelle elle travaillait là-bas, soit elle aurait été virée sur le champ, soit le type qui l'employait aurait tenté de la mettre dans son lit.... Mais voilà, Ayame était loin d'être ainsi, et c'était sans doute pour cela qu'elle avait laissé son coeur parler. Et puis s'il avait décidé de la mettre dehors, de toute façon, elle n'aurait eu aucun regret vu qu'elle lui avait annoncé qu'elle arrêtait son travail ici.

Mais la surprise fut grande quand la jeune américaine apprit que son patron n'avait jamais été mis au courant de son accident. Pourtant ça s'était passé devant sa boutique, elle avait même fait un léger coma. Elle n'était pas venu pendant un long moment. Et il n'avait pas été mis au courant? Elle avait pourtant pensé que Momiji le lui aurait dit... mais en même temps, il avait été si inquiet qu'il n'y avait surement pas pensé. Elle baissa un peu les yeux. Ca aussi c'était fini. Momiji n'était plus inquiète pour elle depuis longtemps. Pourtant il lui avait dit qu'il l'aimait.... mais il avait réussi à s'éloigner d'elle. Et son coeur se serra encore en voyant Ayame s'éloigner vers la sortie en tergiversant sur un fait qui faisait parti du passé. Il était trop tard de toute façon pour dire quoique ce soit. Alors pourquoi partait-il en la laissant ainsi seule?

Mais il ne partit pas. Non. Il referma la porte qu'il avait ouverte, faisant à nouveau sonner cette petite clochette et revint vers elle, bien moins sûr de lui. Et à son discours, c'était comme s'il avait capté ses pensées. Et l'entendre se dire de lui-même qu'il était un imbécile lui fit de la peine. Parce qu'elle lui causait bien trop de soucis. Il ne méritait pas ça. Il était ainsi, il ne faisait pas vraiment attention aux autres, ou alors il évitait de le montrer. Etait-ce à cause de la malédiction? Il avait sans doute peur de s'attacher de de voir expliquer qu'il ne pouvait pas avoir de contacts trop rapprochés. Tout comme Momiji avait eu peur....

Et sans même avoir pu dire quoique ce soit, il s'était éloigné pour aller chercher du thé. Sasha en profita pour effacer ses larmes. Elle avait avouer ce qu'elle avait sur le coeur, et découvrait une nouvelle facette du serpent qui la touchait beaucoup. Enormément même. Et en le voyant revenir, elle soupira de soulagement. Elle craignait qu'il ne la laisse là assez longtemps pour qu'elle réfléchisse trop et qu'elle se décide à partir. Mais elle avait cette sensation que ça aurait fait de la peine au jeune homme. Alors elle prit délicatement la tasse de thé tendue et regarda son patron se laisser tomber sur une chaise. Oui. Elle l'avait épuisé.... Elle posa doucement sa tasse sur le dessus d'une étagère en se pinçant les lèvres. Et sans se poser plus de questions, elle laissa sa tendresse et sa douceur reprendre le dessus sur elle et rejoignit Ayame en s'agenouillant à ses côtés. Elle attrapa délicatement une de ses mains entre les siennes et vint frotter avec douceur sa joue contre.

" Je suis désolée..... je vous cause beaucoup trop de soucis..... " murmura-t-elle alors que de nouvelles larmes coulaient sur ses joues. " je..... je voudrais juste comprendre pourquoi on se détourne de moi...... ai-je fait quelque chose de mal? "

Enfin assis sur sa chaise, Ayamé observa la jeune fille. Elle avait enfin séché ses larmes, ce qui rendit le sourire au couturier. Ces derniers temps, beaucoup trop de personnes auxquelles il était attaché était tristes, ou de mauvais poils ! Déjà Hatori, qu’il avait quitté sur une dispute quelques jours auparavant ne lui parlait plus, n’ayant pas donné de nouvelles. Et maintenant une de ses assistantes. Il se sentit mal de ne pas avoir cherché à connaître la raison de sa disparition, il avait vraiment l’impression de tout faire de travers !
Il but quelques gorgées en silence, se promettant qu’il réglerait ces problèmes, à savoir s’excuser auprès de Hatori, et comprendre la tristesse de Sasha.
Il réfléchissait à la question, si bien qu’il ne remarqua pas immédiatement que l’américaine s’était levée. Lorsqu’elle s’agenouilla à ses côtés, il reprit ses esprits et dit un léger sourire aux lèvres :

« Hum, je réfléchissais, est-ce que vous.. »

Mais le geste de la lycéenne qui suivit le stoppa dans son explication. Elle lui prit avec une infinie douceur sa main, et posa sa tête tout contre la peau du couturier. D’abord étonné, il ne sut comment réagir, il fallait qu’il fasse attention, en aucun cas il se devait avoir un contact trop proche avec la jeune fille, de peur de se transformer ! Il ne voulait en aucun cas que Hatori ait à effacer la mémoire de la petite blonde, déjà parce que cela coutait au médecin a chaque fois qu’il devait le faire, et qu’il devrait laisser de nouveau seule son assistante qui avait l’air si triste, si torturée !
Elle lui avoua à mi-mot que c’était de sa faute, qu’elle lui causait beaucoup trop de soucis. Il remonta avec douceur Sasha, repoussa une mèche de cheveux qui barrait le front de la jeune fille.

« Je vous assure qu’il n’en est rien, je prends beaucoup de plaisir à travailler avec vous ! Je me suis juste un peu trop inquiété… et un peu trop tard ! Vous n’avez rien fait sinon fournir un travail irréprochable. » dit il avec un sourire.

Il se demanda si elle désirait toujours quitter la boutique. Cela le rendrait très triste, mais si c’était ce qu’elle désirait, il ne pouvait faire autrement. Il ne voulait pas la retenir si elle ne prenait plus aucun plaisir à travailler à la boutique !
Mais il ne voulait pas lui demander dans l’instant. Pas encore. Il devait comprendre avant. Réellement intrigué, il lui demanda avec calme :

« Pourquoi dites-vous que l’on se détourne de vous ? Vous voulez en parler ? »

Il se contentait de la regarder la tête légèrement penché, et son regard indiquait que quelque soit la réponse, qu’il accepterait la décision de la jeune étudiante. Il reporta sa tasse à ses lèvres, sans pour autant quitter des yeux Sasha. La boutique était alors très calme, seul le bruit interrompu de la pendule accrochée au mur venait troubler l silence.

Sasha n'aurait jamais songé que son geste doux pourrait surprendre à ce point Ayame. Mais il devait lui aussi manquer de tendresse s'il ne pouvait pas prendre qui que ce soit dans ses bras, sauf des hommes. Elle qui était si tactile se sentait complètement désemparée quand elle ne recevait aucune affection. Elle avait besoin de tendresse et de douceur, et envers le Sohma, elle savait qu'à part serrer sa main et frotter doucement sa joue contre sa peau. Mais pour elle, c'était suffisant. Parce qu'elle avait besoin de ce contact. Elle avait besoin d'un peu de douceur et de tendresse de la part d'Ayame pour qui elle avait beaucoup d'affection. Il était différent, excentrique et exhubérant, mais il restait lui. Et c'était ça l'important. Surtout qu'ainsi, si sérieux, si doux, il la touchait encore plus.

Et elle espérait que cette douceur lui plaise aussi. Alors quand il remonta doucement sa main sur son visage pour venir repousser une mèche de cheveux, Sasha se sentit soulagée et rassurée. Il n'allait pas la repousser. Il venait même au contact et ça la troublait beaucoup. Mais elle aimait beaucoup. Il était doux. Il était gentil. Et elle se sentait proche de lui à présent. Elle ne se sentait plus transparente. Pas en ce moment. Pas tant que Limay n'était pas là en tout cas. Parce que cette sensation d'être de nouveau oubliée une fois la jeune fille ici ne la quittait pas. Elle restait tout de même méfiante. Elle n'y pouvait rien.

Cependant, elle reprit d'Ayame dans la sienne pour garder ce contact, sachant pertinemment qu'il ne pourrait y en avoir d'autre vu sa condition. Elle voulait juste garder sa chaleur. C'était un besoin. Et son sourire si sincère qu'il lui offrit lui fit plaisir au point qu'elle en esquissa un, très léger et timide.

" Mais... vous vous êtes inquiété.... même si c'était un peu tard.... vous vous êtes inquiété.... pour moi.... au moins ça signifique que j'existe un peu.... "

Elle baissa les yeux, tenant toujours cette main réconfortante dans la sienne alors qu'Ayame lui demandait pourquoi elle avait l'impression qu'on se détournait d'elle. Elle déglutit doucement. C'était si compliqué à expliquer. Elle ne savait même pas si elle serait capable de dire ce qu'elle avait vraiment sur le coeur. Alors elle resta silencieuse quelques minutes, tentant de faire le tri dans tous ses sentiments pour réussir à se comprendre elle-même afin de pouvoir rester honnête avec Ayame qui prenait du temps pour tenter de la comprendre.

" Les gens vivent autour de moi.... ils vivent sans moi.... je les vois aller et venir et c'est comme si je n'existais pas. Personne ne s'inquiète pour moi. Personne ne se demande où je peux être ..... vous voyez... c'est comme vous.... j'ai été absente un certain temps, et comme les autres, vous avez du vous dire qu'il manquait quelqu'un mais sans savoir qui. Vous ne vous êtes pas demandé ce qui avait pu m'arriver.... "

De nouvelles larmes roulèrent sur ses joues alors qu'elle lâchait doucement la main d'Ayame pour poser ses deux mains sur ses cuisses, fixant toujours le sol.

" La vie passe... et moi je deviens transparente... les gens passent à côté de moi sans me voir.... et je me sens ..... je.... "

Elle prit un temps avant de finir sa phrase, cherchant ses mots. Cherchant en elle ce qu'elle ressentait vraiment.

" Je me sens comme... morte. "

Apparemment Sasha avait besoin d’un contact bien réel, et Ayamé la laissa faire, en tout cas pour le moment. Il ne repoussa pas la main de l’américaine, geste qu’il avait pourtant déjà fait auparavant. Cette petite main en détresse, celle de son frère il ne l’avait pas tenue, il l’avait laissé seul alors qu’il avait besoin de lui. S’il y avait un de ses actes qu’il pouvait changer, ce serait sans doute celui-ci. Peut être que Yuki l’aurait aimé, peut être qu’il aurait pu aller mieux grâce à Ayamé ! Mais il ne fallait pas s’apitoyer sur le passé, et le couturier en avait conscience.
S’il n’avait pas pu venir en aide à son frère, il pourrait toujours se rattraper avec ceux qui en avaient besoin. Et plus il se trouvait auprès de la lycéenne, et plus il avait envie de rester avec elle. Sa timidité, sa peur de n’être qu’une ombre aux yeux des autres, tous ces sentiments il ne les connaissait certes pas, cela le touchait. Mais il savait que Yuki lui les avaient ressenties. Bien qu’il aille mieux depuis quelques temps, il y avait encore du chemin à parcourir. Ayamé n’était cependant pas inquiet. Le garçon avait trouvé la personne qui pourrait lui enlever son poids.
Sasha n’avait peu être pas encore trouvé une personne similaire, peut être sa différence l’empêchait de se faire vraiment des amis. Peut être même qu’on s’était moqué d’elle à cause de sa couleur de cheveux, de ses origines ! Pour ce qui était des brimades, lui-même connaissait. Comme tous les douze, il contractait des signes physiques assez particuliers…et si l’on prenait en compte son excentricité…
Le sourire de la jeune fille le rassura. Au moins elle voyait qu’il était sincère. Il ne pouvait pas s’empêcher de rester doux et sérieux avec elle, tout comme Hatori elle avait la faculté de le montrer tel qu’il l’était vraiment. Bien sur, ses actes étaient plus faciles à assumer lorsqu’il faisait l’idiot !
Il laissa la jeune fille chercher ses mots, patient (chose qui ne lui ressemblait guère !).

« Personne ne s’inquiète ? Alors personne n’est venu vous voir à l’hôpital ? J’ai du mal à y croire, vous devez avoir des amis dans votre lycée ! Tiens, je vous ai déjà vue parler à Momiji-kun il y a peu de temps, vous aviez l’air de bien vous entendre ! Il ne me semblait même qu’il ne vous trouvait pas transparente, ou même sans intérêt ! »

Il observa, un regard plein de mélancolie par delà les fenêtres, tout en continuant à parler.

« Vous savez Sasha-chan, on ne peut pas être apprécié par tout le monde. Il ya toujours des gens qui ne vous trouveront pas intéressant, tout simplement car ils n’ont pas la même optique de vie, les même gouts. Et c’est très bien ainsi, cela montre à quelle point nous sommes tous différents !! Personne ne peut être ami avec le monde entier je suppose que vous le savez… Et puis il y a les autres, ceux pour qui vous signifiez quelque chose, et qui en retour vous apporte la joie de vivre. Ces personnes là sont les seuls à qui vous devez faire attention. En tout cas il est difficile de s’intéresser à quelqu’un qu’on ne connaît pas…»

Il ne savait pas si la petite blonde avait comprit le rapport qu’il y avait entre sa phrase et les peurs qu’elle venait de lui partager, mais l’espérait vivement. Il était vrai que de tant à autre, il lui arrivait de se lancer dans des discours pouvant ne pas avoir de lien direct avec la conversation !

« Il est tout de même vrai que j’aurais du me renseigner…votre absence me paraissait étrange certes, mais malheureusement ce genre d’initiatives ne me viennent pas souvent à l’esprit, même si la personne en question m’est très chère… »

Sasha disait se sentir comme morte. Ayamé lui tapota le dos avant de lui dire, approchant son visage :

« Pourtant vous êtes bien vivante je vous assure ! Séchez donc ces larmes, elles n’ont rien à faire sur un aussi joli visage ! Après c’est moi qui vais finir par me sentir mal, à vous faire pleurer ! »

Il eut un petit rire.

" Mais je ne veux pas être aimée de tous... ." murmura une Sasha au bord des larmes alors qu'elle écoutait attentivement chaque parole du maudit du serpent. Ca ne l'intéressait pas d'être populaire, d'être aimée de tous pour des raisons plus ou moins sincères. Non. Ca ne l'intéressait pas. " Je veux seulement être aimée par ceux à qui je tiens..... ces gens qui m'ont dit combien ils tenaient à moi et qui ont fini par se détourner de moi.... "

Ses doigts se resserrèrent sur la main d'Ayame alors qu'elle osait à présent plonger ses yeux dans les beaux yeux si particuliers de son vis-à-vis. Il l'écoutait. Elle avait besoin de parler et le Sohma l'écoutait, et tentait de la réconforter. Il faisait des efforts et ça la touchait. Parce qu'avec lui, elle pouvait se montrer telle qu'elle était. Sans chichi, sans fioritures. Elle pouvait juste être Sasha.

" Momiji.... il.... il s'est éloigné.... de moi.... il m'a confié un grand secret... et il s'est éloigné de moi... Je crois qu'il a eu peur. Un membre de sa famille m'a agressé et depuis..... depuis il reste éloigné de moi.... "

Elle se tassa sur elle-même et baissa les yeux avant de voir Ayame se pencher vers elle, ce qui lui fit de suite redresser la tête. Et elle put contempler d'avantage ces yeux si particuliers et plein de douceur. Il lui faisait savoir qu'elle était vivante. Vraiment vivante. Elle eut un maigre sourire. Si elle était si vivante, pourquoi avait-elle l'impression qu'elle mourrait à petits feux? Elle soupira doucement. De toute façon, cette discussion n'arrangerait rien. Ca ne lui ramènerait pas Momiji, ça ne la rendrait pas moins transparente, ça ne la rendrait pas plus heureuse.

" Je suis déjà morte.... " finit-elle par murmurer avant de se relever, lâchant la main d'Ayame. " Je dois rentrer. "

Sasha parlait d’un secret. Un secret que Momiji lui avait confié … le visage d’Ayamé se décomposa. Il n’entendait plus les paroles de la jeune fille, soudain interdit. Momiji était un des douze, et les maudits gardaient un terrible secret. Qu’est-ce que le lapin avait il bien pu lui raconter ? Lui avait il parlé de la malédiction ? S’était-il transformé ? Ayamé espérait vivement que ses craintes se revelaient inexactes; il l’espérait vivement. Pour Sasha. Il n’osait pas imaginer la réaction qu’aurait Akito s’il l’apprenait ! Il pourrait la blesser, comme il l’a déjà fait avec tant d’autres !

Ayamé respira difficilement. Il devait se faire des idées, Momiji n’aurait jamais fait une telle chose, il n’aurait jamais prit le risque de mettre en danger la petite américaine !

(Non, je dois surement me tromper…)

Devenait-il parano ? Avait il aussi peur de voir ses proches blessés par leur dieu ? Dire qu’il y avait quelques années, il ne pensait qu’à lui, à son monde … avait il autant changé ?
Toutes ces questions n’aidaient pas le couturier à réfléchir, et suivre une conversation dans ces conditions demeuraient difficile.
La jeune fille lui lâcha alors la main, ramenant par la même occasion le maudit à la raison. Il l’observa quelques instants, le doute le rongeant.

« Ce…ce secret, concerne il exclusivement Momiji ? Excusez cette étrange question mais je dois savoir. » Dit il fermement toute fois inquiet.

Son regard devint presque suppliant. Elle voulait peut être s’en aller, mais il devait en être sûr, sûr que ce secret n’était pas celui auquel il pensait. Que ferait-il si ses craintes s’avéraient fondées ? Ce qui était sur, c’est qu’il devait parler au lapin. Mais après tout, peut être était ce tout simplement un simple secret d’adolescent… mais alors pourquoi Momiji se serait il éloigné de Sasha dans ce cas là ?
Sans s’en rendre compte, Ayamé avait attrapé le bras de la lycéenne, le lâchant presque aussitôt, ayant peur d’effrayer Sasha.

Sasha n'avait pas aperçu le visage d'Ayame pâlir maladivement après son aveu. Comment le prendrait-il si jamais elle lui avouait qu'elle était au courant de la malédiction, qu'elle savait qui était maudit, que Kyo était différent et qu'Akito ne l'aimait pas, mais alors, pas du tout au point qu'il avait tenté de la tuer juste parce qu'elle était venue rendre visite à Momiji. La petite blonde se figea en sentant la main de son patron attraper son bras alors qu'elle s'apprêtait à quitter les lieux. Mais Ayame sembla le sentir car il la lâcha aussitôt alors qu'elle s'était tournée, interloquée.

Et il lui demanda. Il voulait savoir qu'elle était ce secret. S'il concernait uniquement Momiji, sous entendant certainent si lui et d'autres étaient concernés également. Et bien qu'elle aurait pu lui cacher la vérité en lui disant qu'il lui avait juste dit qu'il l'aimait, elle ne voulut pas. Elle ne voulait pas mentir à Ayame. Parce qu'elle l'aimait beaucoup. Et qu'elle ne voulait pas le trahir en lui mentant sur quelque chose d'aussi important. Elle se rapprocha alors très près de lui, sans pour autant le toucher, pour qu'il ne se transforme pas.

" Je sais que si je m'approche encore de vous, vous vous transformerez en un animal. Je sais que je n'ai pas le droit d'en parler. Je sais que c'est un secret lourd à porter. Je sais que si le chef de votre famille l'apprend, il sera très fâché. Mais vous savez, il a déjà essayé de me tuer parce que je venais juste rendre visite à Momiji " finit-elle alors que sa voix se troublait et que ses yeux se mettaient à briller sous les larmes. " Allez-vous vous fâcher? " demanda-t-elle en se reculant craignant une réaction quelque peu violente du maudit du serpent.

Sasha parut tout d’abord inquiète, ce qui conforta le serpent dans ses craintes. Si elle avait peur de lui divulguer ce fameux secret, c’était qu’il devait être très important !

Apparemment le couturier avait bien fait de retirer sa main, la lycéenne affichant une mine soudain épouvantée.
Puis elle se rapprocha de lui, si près qu’il faillit faire un pas en arrière. Il ne pouvait pas prendre le risque de se transformer maintenant, surtout si le secret en question n’était pas celui auquel il s’attendait !
Malheureusement, et il fallait s’y attendre, il s’agissait bel et bien de la malédiction. Tandis que Sasha parlait, Ayamé ne bougeait pas une oreille. Il était à présent impossible de déchiffrer ses pensées, le visage de l’homme était comme figé. Intérieurement pourtant, il avait peur. Il ne savait pas comment réagir. En cet instant il devrait appeler Hatori, lui demander d’effacer la mémoire de la jeune fille. Elle ne devait pas savoir, cela pourrait que lui nuire. Qui plus est, elle avait déjà eut affaire au maître de famille. Un frisson parcourut le corps du serpent. Est-ce que Akito avait des doutes ? Avait-il déjà essayé de faire du mal à la lycéenne ? D’après ce qu’elle lui disait, c’était fort probable.

Les yeux du maudit s’écarquillèrent, et il marmotta quelques mots à peine audibles. Sans prendre compte de la réaction de l’américaine, il se leva et prit son téléphone portable, ses mains tremblantes composant le numéro du médecin.
Il ne pouvait pas se risquer à la laisser filer avec un secret aussi important. Il ne pouvait pas laisser une chance à Akito d’en vouloir encore plus à la jeune fille. Tant des membres des douze avaient soufferts, et il était fort à parier qu’Akito ne se contenterait pas seulement de « blesser » Sasha s’il l’apprenait !
Et pourtant c’était difficile. Difficile parce que d’un certain côté il était content que Sasha soit au courant. Et que finalement, d’en parler à des personnes qui ne faisaient pas partis du cercle des Somas c’était différent. De plus, si Hatori effaçait la mémoire de la jeune fille, il devrait éviter de revoir Sasha, tout comme Momiji. Et d’après ce qu’il avait vu, le lapin aimait bien la fillette…comment réagirait il si il apprenait que Hatori avait effacé la mémoire de Sasha, supprimant tous les moments qu’ils avaient partagés ?

Un « Allo »d’Hatori se fit entendre dans le combinée, ramenant à la dure réalité le couturier. Laissant la voix du médecin se perdre dans le silence, il raccrocha. Il ne pouvait pas faire ça. Trop de gens en souffrirait… Momiji, Hatori, mais que pouvait il faire d’autre ? Ayamé cacha sa tête entre ses mains. Il se trouvait en cet instant faible, incapable d’agir. Une nouvelle fois il fuyait. Puis, il retourna auprès de Sasha, et s’accroupissant, il lui dit dans un souffle, à mi-mots :

« N’en parlez jamais, à qui que soit … n’en faite jamais la mention, même avec Momiji ou moi-même…fuyez Akito, ne restez jamais seule avec lui…il ne faut pas qu’il sache…promettez le moi ! »

Il ne se rendait pas compte qu’il secouait la jeune fille, totalement affolé. Quelques gouttes de sueur apparaissaient sur son front blanc, et ses yeux exprimaient toute la crainte qui l’animait.

Jamais la petite blonde n'aurait pensé qu'apprendre qu'elle était au courant de la malédiction aurait pu mettre Ayame dans un tel état de peur et de panique. S'inquiétait-il pour elle? Avait-il peur de ce qu'Akito pourrait lui faire? Sasha en fronça les sourcils, perplexe. Ainsi, quelqu'un se ferait sincèrement du souci pour elle? Pourtant, elle le voyant attraper son téléphone et y taper un numéro la fit légèrement paniquer. Que faisait-il?

" Ayame-san? " demanda-t-elle d'une voix peu assurée, craignant être retenur ici de force jusqu'à l'arrivée de la personne que souhaitait contacter son employeur. Mais le serpent sembla changer d'avis et il referma son téléphone portable, au grand soulagement de la petite blonde qui était prête à se défendre si Ayame avait dans l'idée de la garder séquestrée. Mais l'air si paniqué du maudit l'apeura. Elle ne l'avait jamais vu ainsi, si perdu, si déstabilisé.... Et quand il s'approcha vivement d'elle, elle tenta de reculer mais fut bien vite coincée par une nouvelle étagère. Elle en écarquilla les yeux d'effroi et sentit son coeur s'emballer quand il la secoua vivement, écoutant d'une oreille distraite les paroles du serpent. Et dans un mouvement peut être un peu brutal, elle repoussa violemment son employeur, des larmes plein les yeux tellement elle avait peur.

Il l'avait secoué si fort....

" Pourquoi.... Pourquoi est-ce que cet homme vous fait si peur? " demanda-t-elle au travers de ses larmes alors qu'elle plongeait ses yeux dans ceux d'Ayame. " Momiji m'a tout dit. Il n'est rien sans vous, et vous, vous lui obéissez, comme des p'tits chiens alors qu'il ne fait que vous faire du mal!!! Vous ne pouvez pas vivre comme vous le souhaitez!!!! "

Elle déglutit difficilement avant de reprendre.

" Vous ne pouvez pas aimer.... alors comment pouvez-vous être heureux? Pourquoi le laissez-vous vous manipuler alors qu'il suffirait juste que l'un d'entre vous réussisse à lui dire enfin non..... "

Sasha pleurait de nouveau, mais Ayamé était tellement effrayé à l’idée qu’elle puisse être au courant de tout qu’il ne le remarqua qu’à peine. Elle le repoussa tandis qu’il la secouait mais une fois encore il était comme absent. Beaucoup trop de personnes étaient au courant à présent.
Il repensa à Tohru. Apparemment elle n’avait pas eut beaucoup de problèmes avec Akito, ce qui rassura légèrement le couturier. Maintenant que le choc était passé il semblait plus confiant de la situation.

Sasha quant à elle parlait de Akito. Cependant, bien qu’elle soit au courant pour la malédiction elle n’avait aucune idée du lien qui unissait le maître de famille aux douze. Elle avait raison, mais ils avaient toujours fait ainsi, pourquoi faire autrement ? Ce n’était pas aussi simple, ils étaient « liés » à Akito, ils ne pouvaient pas le laisser !
Ayamé se leva enfin, et finit d’une traite la tasse de thé. Il soupira avant de dire :

« Ce n’est pas aussi simple que cela en l’air. Si comme vous dites Momiji vous a tout expliqué, vous devez alors savoir que ce n’est pas qu’une simple histoire de famille. On ne peut tout simplement pas quitter Akito d’un simple coup de tête, tant de chose nous en empêche … »

Il risqua un sourire, avant de continuer :

« Je crois que cette histoire nous concerne seuls, vous vous feriez du mal si vous essayez de vous en mêler … si rien que d’en parler vous mets dans cet état … »

L’horloge de la boutique émit une petite musique joyeuse. Jetant un regard à l’objet, Ayamé soupira. C’était déjà l’heure de fermer… et il avait rendez-vous au manoir. Il alla chercher les clefs au comptoir avant de s’adresser à l’anglaise :

« Je vais devoir y aller … je pense que la meilleure chose à faire est de rentrer chez vous vous reposer. Je vous ai bien trop fait pleurer à mon gout pour aujourd’hui ! »

Il lui lança un clin d’œil complice avant d’aller chercher ses affaires.