Crise!

Décidément, c’était une journée à rester au chaud sous la couette. Tout d’abord, elle s’était disputée avec Shouta. Ce qui en soi n’avait rien détonnant puis elle s’était prise la tête avec Gaeyu et son indécrottable masque d’indifférence. Alors, trop, c’est trop ! D’un geste rageur, elle ouvrit la porte de la salle des professeurs d’un coup de pied bien senti. D’un pas ferme et résolu, elle se dirigea vers le bureau de Toyimi-san, saisit son attaché-case et le claqua sur la table. Là, elle en retira un paquet de feuilles. Les fameux sujets d’examens ! Elle resta là bêtement à les regarder mais son esprit était à cent lieux de là ! Elle ne comprenait pas cette fichue manie que son ami avait de toujours faire passer le boulot avant toutes choses. Cela la dépassait. Ce sérieux. Ce manque cruel de spontanéité. Si seulement, il pouvait être plus naturel, plus ouvert. Elle soupira et se laissa finalement tomber sur la chaise tout proche.

Quand est-ce que tout cela finira ?

Et elle écrasa une larme qui naissait au coin de ses paupières. Elle en avait assez des hommes qui le prenait pour un objet et ceux qui littéralement la déifier. Elle voulait seulement quelqu'un qui l'acceptes pour ce qu'elle était. Rien de plus. mais apparement c'était trop demandé!

De très mauvaise humeur Shouta parcourait un des nombreux couloirs du lycée. Au passage, il beugla sur quelques élèves qui restaient plantés dans le couloir, et ignora une bonne dizaine d’enseignants qui lui adressèrent un faible bonjour. Cela faisait quelques bonnes heures que le rapace tournait en rond, sans trouver d’occupations assez distrayantes pour lui faire oublier les événements de la journée. Elle avait pourtant tellement bien commencé ! Quelle joie de pouvoir une nouvelle fois exaspérer Gaeyu, ce mollasson qu’il avait laissé complètement déprimé. Bon, il était déjà bien abattu lorsqu’il l’avait croisé sur le toit, mais n’empêche que cela lui avait fait du bien de raconter quelques bons mensonges au professeur ! Surtout qu’il avait l’air de prendre tellement à cœur les révélations de Shouta !

Bientôt trois heures que l’homme errait dans les couloirs, au désespoir de ses collègues qui lui répétaient inlassablement d’aller s’occuper de ses classes. Evidement il n’avait pas cherché à les écouter complètement hors de lui. Il voulu alors fumer, histoire de décompresser un peu, avant qu’il ne casse toutes les fenêtres du lycée. Cependant, il se trouvait que son paquet il l’avait laissé dans la salle des profs ! Grommelant avec rare d’avoir à se déplacer jusque la, il descendit les escaliers quatre à quatre pour se diriger vers la salle. Il ouvrit la porte d’un geste brusque, et entra à l’intérieur rapidement. Il aperçu alors Mayuko, surement la dernière qu’il avait envie de voir en cet instant. Il eut de nouveau un grognement et s’en lui adresser un regard, ou un mot, il se dirigea vers son sac. Il le vida sur le sol, prit son paquet duquel il extirpa une cigarette, et l’alluma presque aussitôt (malgré le panneau « interdit de fumer » accroché sur le mur).

Shouta se laissa tomber sur une chaise et tira quelques bouffées en silence, toujours bouillonnant de rage. Quand à Mayuko, elle pouvait bien pleurer, il serait le dernier à aller la consoler !

Mayuko sursauta en entendant la porte claquer. Elle leva machinalement la tête et tomba sur la dernière personne qu’elle souhaitait voir à cet instant : Shouta ! Celui-ci se dirigea vers sa place sans lui accorder le moindre regard. Il farfouilla dans son sac et dégota son paquet de clopes. Aussitôt, il en saisit et l’alluma sur le champ sans tenir compte du fait que c’était une zone non-fumeur. Les doigts de la jeune femme se crispèrent sur le paquet de feuilles qu’elle tenait entre les mains. Elle serra les dents de colère.

Vas-y ! Surtout fais comme chez toi ! Tu veux pas un verre de whisky pendant que tu y es ?

Le ton était glacial et impersonnel. Tenant d’une main les sujets d’examen, elle contourna le bureau et s’approcha du jeune homme. Son regard était dur, ses lèvres pincées et son teint plutôt pâle. D’un geste ample, elle envoya valser la cigarette de Shouta qui passa par la fenêtre ouverte. Jamais on avait vu une cigarette voler aussi bien et aussi loin ! Sans se soucier le moins du monde de l’humeur de son collègue, Mayuko s’assit sur le bureau juste en face, le fixa droit dans les yeux et continua.

C’est quoi ton problème avec les autres, Shouta ? Tu t’imagines peut être que parce que tu es désagréable à souhaits, les autres font faire tout ce que tu désires ?

Elle eut un rire ironique.

Je suis peut être naïve mais sur ce point, je crois bien que tu me bats à plate couture ! Laisse-moi te dire une chose, mec ! Le monde ne fonctionne pas toujours comme on le souhaite. Il faut savoir s’adapter aux autres ou disparaître. Maintenant, reste à savoir si quelqu’un pleurera ta disparition ? À ton avis ?

Evidemment, il fallait que Mayuko se mêle une fois de plus de ce qu’il ne la regarde pas ! Shouta n’en était pas étonné, mais avait espéré qu’elle ne lui adresserait pas la parole cette fois ci. Etant de très mauvaise humeur, les remontrances de la jeune femme ne pouvaient que l’agacer d’avantage. Elle-même n’avait pas l’air de très bonne humeur, à en juger par sa manière de lui parler. Il supposait que cette colère était due au comportement qu’il avait eut quelques heures plus tôt. Il pensait seulement qu’elle éviterait de tout remettre sur le tapis, surtout qu’il n’avait aucune envie de parler.
Il grogna un vague : « Pourquoi pas » agacé lorsque Mayuko lui parla de whisky, tout en continuant de fumer. Cependant, la cigarette ne resta pas longtemps entre ses mains, l’enseignante l’envoyant valser au loin. Cette situation commençait à devenir habituelle, un peu trop au gout de Shouta. Au regard dur de sa collègue, il répondit par un regard noir similaire. Il sera les poings se demandant l’espace d’un instant s’il n’allait pas frapper la femme, mais cette dernière s’éloigna pour aller s’asseoir au bureau.
Puis elle recommença à parler, ou plutôt à essayer de comprendre une fois de plus la cause de des agissements du rapace.
Shouta croisa les bras sans répondre aux provocations de Mayuko. Qu’importe ce qu’elle disait, il ne pouvait pas entendre, il ne pouvait se soucier de choses aussi futiles. Il ne put cependant ignorer la dernière remarque. Il cligna plusieurs fois des yeux en fixant la femme. Il ne cherchait et ne cherchera pas à être pleuré ; à quoi cela lui servirait il? Savoir que personne ne l’apprécie ne le dérangeait pas, il s’était toujours comporté comme si lui seul existait. Tout ce qu’il avait fait jusqu’à présent c’était uniquement dans son intérêt. Et ca ne changera pas, alors pourquoi se soucierait il de « s’adapter aux autres » ?
Mayuko attendait peut être des réponses, mais il n’allait pas les lui fournir. A quoi bon ? En quoi lui serait-ce avantageux ? Et puis il n’allait pas lui faire ce plaisir, elle l’avait déjà assez énervé pour la journée.
Pourtant il devait reconnaitre que contre toute attente, ce qu’elle avait à lui dire l’intéressait. Toute l’énergie qu’il avait déployée pour ignorer l’enseignante, fut mobilisée pour au contraire l’écouter. Son regard se fit plus brillant, et s’apercevant qu’il s’était levé il se rassit, soudain plus calme. Il ressorti une cigarette de son sac, juste pour voir l’effet que cet acte ferait sur sa collègue et l’alluma avec application. Après quelques secondes, il éclata de rire. Pas un rire joyeux, mais aigre et froid. Il mit du temps à s’arrêter puis entre deux éclats, il lui dit :

« Vraiment Mayuko je me demande bien en quoi tout ça te concerne. Je ne te dois aucune explication, si j’agis comme je l’entends c’est que cela me convient…Tu as l’air de tenir cette histoire bien trop à cœur ! »

Il laissa échapper quelques nouveaux rires avant de continuer.

« En fait … je trouve ça pitoyable »

Il détacha son regard de la femme pour laisser tomber au sol quelques cendres. Cela risquait de devenir intéressant. Il ne savait pas si ce qu’il disait s’avérait juste mais si cela pouvait énerver Mayuko il était partant !

La jeune femme croisa ses bras sans pour autant quitter Shouta des yeux. Elle le regarda allumer une autre cigarette et en faire délibérément tomber les cendres à terre. Alors comme ça, il la provoquait ! Eh bien ! S’il voulait jouer à ce petit jeu, il allait être servi. Elle n’était pas du tout d’humeur à supporter ses enfantillages et comptait bien pour une fois le lui faire clairement savoir ! Les yeux flamboyant d’une sourde colère, Mayuko répliqua froidement.

Pour que notre histoire me touche au coeur, il faudrait déjà que tu te laisses approcher !

Elle se leva, prit un morceau de papier et fit habilement glisser les cendres dessus avant de les jeter négligemment sur le bureau de son amant. Il voulait la tester ? Alors ce serait à double tranchant ! Puis elle se retourna et continua comme si de rien était.

Moi, ce que je trouve pitoyable, c’est ton attitude ! Tu passes ta vie à te cacher, à te voiler la face, à haïr les autres sans raison valable ! De quoi as-tu donc si peur, Fukuda-san ?

Et ce fut à son tour d’éclater d’un rire narquois.

Le sourire de l’homme se transforma peu à peu en une grimace de dégoût. Avec toute l’aversion possible et imaginable que l'on pouvait éprouver pour quelqu'un, il lui lança un regard furieux. C’est qu’elle commençait légèrement à dépasser les bornes. Et aujourd’hui plus qu’un autre jour Shouta n’était pas en mesure de garder son calme. Lorsque Mayuko jeta les quelques cendres sur son propre bureau, il esquissa un geste en sa direction, lutant pour ne pas perdre son sang froid. Non c’était exactement ce qu’elle attendait !

Sa résolution ne dura cependant que quelques secondes, pendant lesquelles Mayuko s’amusait à le provoquer une fois encore. Là par contre s’en était trop !

Dans un grognement de rage, Shouta se leva d’un bond, et jetant sa cigarette à terre il contourna le bureau fulminant. Plusieurs livres tombèrent à terre au passage mais l’enseignant n’y fit pas attention. Il plaqua Mayuko contre le mur, et lui tordant le bras droit il hurla avec rage :

« Tais toi, tu ne sais rien de ce que je fais, de mes agissements, rien du tout ! »

Son autre main emprisonnait le cou de la femme et la tenait ainsi fermement contre le mur. Mayuko n’avait aucun moyen de s’échapper ainsi, et vu l’état du professeur, il n’était pas prêt de la relâcher ! Son esprit était dans un tel état de chaos, que Shouta avait du mal à comprendre ce qu’il était en train de faire. Mais il était bien là, prêt à frapper si il le fallait. Il pensait avoir dépassé ce stade depuis longtemps, bien que il lui arrivait de temps à autre d’être violent.
Le pire, c’est que cela lui plaisait. Il rapprocha son visage de celui de Mayuko, et dans un souffle, d’un ton particulièrement mauvais, il lui murmura :

« Alors ça va toujours Mayuko Shiraki, toujours envie de rire ? On est bien là qu’est-ce que t’ en dis ?… Il me semble que t’as pas terminé de tout m’expliquer alors, vas y, je suis toute ouïe. »

Il prenait malin plaisir à ne pas réduire la pression qu’il exerçait sur le bras et le cou de la jeune femme, même si il l’a blessait cela lui était complètement égal.

Mayuko ouvrit des yeux exorbités. Bien sur, elle s’attendait à une réaction mais celle-là dépassait ses prévisions. Son bras lui faisait atrocement souffrir. Pour un peu, elle l’aurait cru casser et que dire de sa respiration ! Elle haletait de plus en plus mais elle ne cèderait pas ! Certes, elle ne se sentait pas en totale sécurité mais s’il croyait l’impressionner avec ce tour de force, c’est qu’il la connaissait mal. Elle sentait son souffle sur son visage et la dureté de ses paroles raviva la colère de la jeune femme. Elle le fixa droit dans les yeux et bafouilla entre deux halètements.

Tu…es…pitoyable ! La…violence ne …résouds ja…mais rien !

Elle posa ses mains sur les avant-bras de l’homme. Aucune pression dans ce contact, aucune rancœur ou force. Juste de la compassion devant le désarroi certain de l’être qu’elle avait en face d’elle.

Au pire…elle …montre…que j’ai…raison !

Elle lui sourit malgré les larmes de douleur qui pointaient au coin des paupières. Elle ne sentait plus son bras droit et sa gorge était en feu. Mais peu importait. Elle voulait percer le mystère « Shouta » et elle y arriverait !

Que… caches…tu ?

Shouta essayait tant bien que mal de ne pas s’emporter mais la tentation de frapper sa collègue restait très forte. Mais ce n’était peut être pas la meilleure solution… Malgré la bonne réputation de son père, son titre ne lui serait d’aucun secours si Mayuko venait porter plainte. Et comme Shouta ne savait rien faire d’autre que de faire semblant d’éduquer des élèves, il allait être difficile de gagner son pain si il perdait son travail !
Et en même temps … qu’est-ce qu’il faisait dans ce lycée à part perdre son temps !? Une lueur de doute passa dans les yeux de l’homme et il faillit presque relâcher la jeune enseignante. Mais les paroles de Mauko, ses gestes nullement animés par la rancœur, son sourire, ça le mettait hors de lui.
Pourquoi ne criait elle pas ? Elle aurait du l’insulter, paraître en colère…

« Je peux t’assurer que ça résout certains problèmes … discuter, et tout ces autres trucs pour résoudre les conflits c’est rien que des foutaises ! »

Avait elle raison ? Peut être mais qu’importe, ce n’était pas son problème. Il n’avait aucun problème d’ailleurs tout allait parfaitement bien ! Et pourtant c’était bien lui qui tenait à présent Mayuko contre le mur et qui lui tordait le bras, limite l’étranglait ! Alors pouvait il vraiment prétendre n’avoir aucuns soucis ?
Et puis Mayuko voulut savoir. Shouta cilla à la demande de la femme. Il avait un secret lui ? Qu’elle lui demande de lui raconter tout son passé tant qu’elle était ça aurait été la même chose ! Il ricana mais son rire sonnait faux :

« Quel secret Mayuko ? Tu sais bien que je n’ai aucun secret pour toi ! Qu’est-ce qui te ferait croire ça ? »

Mayuko continuait de sourire mais ses yeux avaient repris leur couleur noire, signe que la colère de la jeune femme revenait à grands pas. La mauvaise foi évidente de Shouta la mettait à nouveau hors d’elle bien plus que sa violence. Elle resserra son emprise sur les avants bras du jeune homme et se mit à l’attirer vers elle d’un mouvement brusque. Elle voulait savoir. Elle voulait le connaître. Lui. Le « vrai » Shouta ! Alors, elle posa ses lèvres sur les siennes et l’embrassa fougueusement et amoureusement. Elle voulait lui transmettre tout l’amour qu’elle ressentait à cet instant. Elle voulait qu’il se sente en sécurité avec elle. Elle voulait savoir ce qu’était cette « chose » qu’il semblait craindre sans même sans rendre compte ! Enfin, elle se détacha doucement de lui et murmura d’une voix ou elle contenait mal une pointe de colère.

Je sais que tu me caches quelque chose, Shou-kun. Disons que c’est mon intuition féminine qui me le dit.

Elle inspira longuement afin de reprendre son souffle, ses yeux ne quittant pas une seconde son amant en face d’elle. Elle essayait toujours de comprendre l’homme qui se cachait derrière ce visage certes agressif mais tellement séduisant.

Comptais-tu vraiment m’étrangler ? Désires-tu tant que ça me voir morte ? Si ma vue t’insupporte autant, on pourrait trouver un compromis pour éviter de se croiser, tu ne crois pas ?

Un silence plana avant que mayuko rajoute.

A moins que ce ne soit autre chose?

Il était inutile de parler, inutile de lui demander quoi que ce soit. Mayuko n’aurait rien de lui cette fois ci, il était bien trop énervé. Le regard noir qu’elle lui jeta ne lui fit rien, si ce n’est le rendre encore plus furieux. Qu’attendait-elle donc de lui ?
Puis la suite le dérouta totalement. C’était tellement soudain, il ne s’y attendait absolument pas !

Mais seulement, aussi fougueux qu’il soit aucun baiser ne pourrait calmer l’homme, et dans un mouvement brusque il repoussa la femme contre le mur, lui donnant une claque proche du coup de poing. Mayuko ne saignait pas, mais une marque rouge cuisante se dessinait sur sa joue
.
Horrifié, Shouta recula d’un pas. Il ne souhaitait pas ça, il s’était promit d’arrêter...frapper une femme lui rappelait bien trop un souvenir qu’il aurait tant voulu oublier…

Et la situation paraissait tellement semblable !

« Je ne voulais pas en arriver là mais tu ne m’as pas donné le choix. Tu sauras à l’avenir qu’il est inutile d’essayer me faire changer d’avis. Je ne vois pas pourquoi je devrais t’expliquer quoi que ce soit. Ca me regarde moi et moi seul. »

Il tremblait toujours de rage, mais le ton de sa voix restait ferme. Il commençait d’ailleurs à ranger ses affaires avant d’enchainer sans un regard pour la femme.

« J’ai autre chose à faire que de t’éviter donc la réponse est non mais à l’avenir … »

Il lui jeta un regard vide.

« …vaudrait mieux que t’évites de me parler. »

Sous le choc, Mayuko caressait sa joue douloureuse tout en observant Shouta essayer de rassembler ses affaires. L’espace d’un instant, elle avait vraiment cru sa dernière heure arrivée ! Elle encaissa donc les remarques sans broncher même celle ou il lui demandait de ne plus lui adresser la parole. Furieuse envers sa propre bêtise comme envers le jeune homme, Mayuko haussa les épaules. C’est alors qu’un collègue entra mettant fin un duel. Il demanda s’il y avait une personne pour prendre en charge les élèves de secondes dont le professeur était malade. Devant l’indifférence du professeur de maths, l’homme se tourna vers Mayuko qui ne put faire autrement que de hocher la tête en signe d’acquiescement. Elle ramassa quelques livres et sortit sans un mot, ni un regard pour Shouta !